L'esprit de la lettre, XVIIIe siècle

Inquiété par les lectures contemporaines, le XVIIIe siècle nous apparaît aujourd'hui comme celui des Lumières tout autant que des clairs-obscurs. Qu'il est aussi le siècle de la lettre et que cette nouvelle lecture est de nature à éclairer les précédentes, à ouvrir, pour les réconcilier, des perspectives originales, c'est ce qu'on se propose de montrer ici. Les écrivains du XVIIIe siècle ont en effet réservé à la forme épistolaire le destin le plus brillant de son histoire : en déjouant les clivages traditionnels entre littérature et philosophie, réalité et fiction ; en donnant à la création littéraire les règles de l'échange social ; et surtout en reléguant au second plan la hiérarchie classique des genres.
Ils ont ainsi contribué à former cet esprit de la lettre dans lequel se confondent les aspirations d'une époque et la poétique d'une forme profondément renouvelée. Hantée, dans son rayonnement comme dans sa part d'ombre, par la question de l'altérité, la lettre se révèle alors comme l'écriture majeure de ce siècle, - l'écriture qui fut celle des bonheurs et des combats, celle des progrès et des crises, et, pour le destin de la littérature, celle de la liberté.