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"Il ferma les yeux pour suivre Carol en plan serré durant tout le parcours qui la conduisait jusqu'à son antichambre : signe amical à l'hôtesse d'accueil, sourire forcé face à Suzanne qui ferait traîner le moment de l'accès au saint des saints. Carol aurait droit à la plus inconfortable des chaises. S'ensuivrait un champ-contrechamp de regards sans aménité entre les deux femmes. L'une faisant mine d'être trop occupée pour avertir Monsieur Hitchcock de l'arrivée de la dénommée Carol Greenwood, l'autre se gardant de tout signe d'impatience.
Dans son antre, le potentat était fier de sa mise en scène. Deux femelles s'affrontaient pour lui, chacune dans le rôle qu'il leur avait attribué, selon une partition qu'il avait écrite. Il ne concédait rien au hasard, surtout quand son plaisir était en jeu". L'histoire, ici racontée, n'est pas vraie, mais elle se nourrit d'éléments authentiques qui auraient pu conduire Hitchcock à la vivre. A l'orée de ses quatre-vingts ans, le réalisateur s'efforce de conquérir une jeune femme venue lui rendre visite à Los Angeles.
Rongé par la culpabilité, il cherche à renouveler avec elle l'expérience, pourtant traumatisante, entreprise avec Tippi Hedren quinze ans plus tôt.
Hitchcock, roman
Alfred Hitchcock est une figure incontournable du cinéma. Ayant vu "Les Oiseaux" et "Fenêtre sur cour", ce roman était l’occasion d’en savoir un peu plus sur ce réalisateur. Mais attention, il ne s’agit pas d’un livre sur le cinéma! Ici, René Bonnell fait passer l’homme de l’ombre au premier plan de cette fiction. En effet, le rôle principal est tenu par Hitchcock dont on découvre la face cachée: un homme torturé par son éducation et son apparence, névrosé, meurtri dans son corps et dans son rapport avec les femmes. Son intimité ainsi dévoilée, on se fait une autre image de cette personnalité. J’ignorais les rapports qu’il avait eu avec certaines de ses actrices, notamment Tippi Hedren, héroïne de "Pas de printemps pour Marnie" et "Les Oiseaux". Transposer de tels faits dans une fiction est un exercice ici réussi, bien que le lecteur novice en cinématographie (dont je fais partie) puisse parfois être un peu perdu. Les références au cinéma sont omniprésentes, que ce soit en citant des titres de film d’Hitchcock ou lorsque l’auteur décrit une scène du point de vue du réalisateur comme si celui-ci était en train de tenir une caméra.
René Bonnell nous fait redécouvrir grâce à ce roman le maître du suspense de façon intime. Monsieur Hitchcock sort de l’ombre et nous découvrons le côté sombre de sa personnalité. À découvrir, même si l’on n’est pas un grand cinéphile.