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- Allons, député du centre, en avant ! Il s'agit d'aller au pas accéléré si nous voulons être à table en même temps que les autres. Haut le pied ! Saute, marquis ! là donc ! bien. Vous franchissez les sillons comme un véritable cerf ! Ces paroles étaient prononcées par un chasseur paisiblement assis sur une lisière de la forêt de L'Isle-Adam, et qui achevait de fumer un cigare de La Havane en attendant son compagnon, sans doute égaré depuis longtemps dans les halliers de la forêt.
A ses côtés, quatre chiens haletants regardaient comme lui le personnage auquel il s'adressait. Pour comprendre combien étaient railleuses ces allocutions répétées par intervalles, il faut dire que le chasseur était un gros homme court dont le ventre proéminent accusait un embonpoint véritablement ministériel. Aussi arpentait-il avec peine les sillons d'un vaste champ récemment moissonné, dont les chaumes gênaient considérablement sa marche ; puis, pour surcroît de douleur, les rayons du soleil qui frappaient obliquement sa figure y amassaient de grosses gouttes de sueur.
Préoccupé par le soin de garder son équilibre, il se penchait tantôt en avant, tantôt en arrière, en imitant ainsi les soubresauts d'une voiture fortement cahotée. Ce jour était un de ceux qui, pendant le mois de septembre, achèvent de mûrir les raisins par des feux équatoriaux. Le temps annonçait un orage. Quoique plusieurs grands espaces d'azur séparassent encore vers l'horizon de gros nuages noirs, on voyait des nuées blondes s'avancer avec une effrayante rapidité, en étendant, de l'ouest à l'est, un léger rideau grisâtre.
Scènes de la vie militaire, la folie
À l'automne 1819, après être resté prisonnier des Cosaques pendant six ans et de retour en France depuis onze mois, Philippe de Sucy, devenu colonel, aperçoit, lors d'une partie de chasse dans le parc d'un ancien prieuré à moitié en ruines, le château des Bons-Hommes,près de L'Isle-Adam, la silhouette fantomatique mais toujours d’une étrange beauté, d'une femme qui ne cesse de répéter le mot "Adieu". Une paysanne sourde-muette, Geneviève, veille sur elle. Le colonel croit reconnaître Stéphanie de Vandières qu'il n'avait jamais revue depuis. L’émotion est si forte que le colonel s’évanouit.
Monsieur de Granville (le magistrat intègre d’Une ténébreuse affaire, le juge Granville) et sa femme qui habitent non loin de là ,lui font respirer des sels. Le surlendemain, Philippe de Sucy, qui a retrouvé ses esprits, charge son ami, le marquis d'Albon, d'aller au château vérifier qu'il ne s'est pas trompé. Là, l'oncle de Stéphanie qui l’a recueillie, le docteur Fanjat, confirme l’impression de Philippe : la jeune femme errant dans le parc est bien la maîtresse tant aimée et recherchée depuis longtemps.
Ici, le vieil oncle commence le récit de l'épisode de la campagne de Russie lors de la retraite des armées napoléoniennes et plus particulièrement le fameux passage de la Bérésina. Philippe de Sucy, à qui son ami d'Albon a confirmé l'identité de la jeune femme découvre avec horreur que le comportement de Stéphanie ressemble à celui d’un animal. Il essaie de convaincre le docteur Fanjat de tenter un traitement sur la jeune femme. Il est persuadé qu'un choc émotionnel puissant peut lui faire recouvrer la raison, ce qui n'est pas l'avis du docteur qui pourtant, tente l’expérience.
Après plusieurs tentatives sans résultat, il décide de reproduire devant Stéphanie,la scène de leur tragique séparation sur la Bérésina. La mémoire de Stéphanie revient tout d’un coup, mais le retour à la réalité est une sensation trop forte pour la jeune femme, qui en meurt. « la vie et la mort tombent sur elle comme la foudre, elle n’en soutient pas l’assaut. » 3,4 Dix ans plus tard, le colonel, devenu général, "abandonné de Dieu", se suicide.-w