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Neal Cassady, chauffard génial, prophète gigolo à la bisexualité triomphale, pique-assiette inspiré et vagabond mystique, est assurément la plus grande rencontre de Jack Kerouac, avec Allen Ginsberg et William Burroughs, autres compagnons d'équipées qui apparaissent ici sous leurs vrais noms. La virée, dans sa bande originale : un long ruban de papier, analogue à celui de la route, sur lequel l'auteur a crépité son texte sans s'arrêter, page unique, paragraphe unique.
Aujourd'hui, voici qu'on peut lire ces chants de l'innocence et de l'expérience à la fois, dans leurs accents libertaires et leur lyrisme vibrant ; aujourd'hui on peut entendre dans ses pulsations d'origine le verbe de Kerouac, avec ses syncopes et ses envolées, long comme une phrase de sax ténor dans le noir. Telle est la route, fête mobile, traversées incessantes de la nuit américaine, célébration de l'éphémère.
Genese
Si notre lecture file parfois à vive allure, "Sur la route" a-t-il été rédigé d'une seule traite dans la traine d'une épopée sur les chapeaux de roue ? L'édition du rouleau original permettra par deux préfaces absolument intéressantes de Howard Cunnel et Penny Vlagopoulos aux amateurs de se faire une idée assez précise de la genèse d'un livre aujourd'hui légendaire. Ce rouleau qui posait au sol se déroulait comme la route, écrit en écoutant du bop, en télétype sans ponctuation est sans doute l'aboutissement plus alambiqué d'une ambition plus ancienne et à longue maturité dans l’œuvre de Kerouac où ce "nostalgique de l'ouest" réalisa peut-être ce qu'il rêvait de faire depuis longtemps, mêler souvenirs et inventions. Moi ce que que j'en retiens quelques images volées à la vitesse du transport, quelques méditations poétiques sous les étoiles et sa curiosité, son goût des autres qu'il met dans la bouche de Neal Cassidy en ces termes : "les gens me bottent, mec !".