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André Maurois (1885-1967) est l'un des écrivains les plus importants et les plus connus de la littérature française. Par des romans fins et délicats, il s'est imposé, marquant de son style tout le monde des lettres. C'est par Les Silences du Colonel Bramble qu'André Maurois devient célèbre. Pour écrire ce premier roman, Maurois s'est inspiré de sa propre expérience d'officier de liaison auprès de l'armée britannique.
Créant des figures atypiques et extraordinaires de soldats anglais flegmatiques, sages, philosophes, il rend compte d'une joie de vivre toute anglo-saxonne, et ce malgré la guerre, qui est tout de même le sujet réel et la toile de fond du roman. C'est André Maurois lui-même qui lit Les Silences du colonel Bramble dans cet enregistrement de la RTF (Radio Télévision Française) de 1954. Agé de 69 ans, l'écrivain s'exprime toutefois avec une grande clarté, et sa voix douce et calme convient tout à fait à son roman.
Alliant une dose d'humour britannique à une raideur pudique qu'on devine naturelle, Maurois, mieux que quiconque, fait revivre ses personnages, du sémillant O'Grady au rigide Parker, sans oublier l'essentiel pilier du récit, le si fameux colonel Bramble. Sa voix ressuscite une légèreté d'être et une confiance dans le pouvoir de l'humour qui fait bien défaut aujourd'hui. Cet humour si essentiel est, plus que jamais, décisif et la lecture de Maurois le démontre avec une douce évidence.
Guillaume Leclère & Claude Colombini-Frémeaux.
Les silences du colonel Bramble
Voici une lecture conseillée par mon tout nouveau chef (je vous le disais en annonçant une petite pause, j'ai changé de boulot). André Maurois s’attache à définir le gentleman anglais. Au fil d’anecdotes de campagnes de la guerre de 14-18, il tisse le portrait de ce spécimen de flegme, qu’il a pu observer lui-même en tant qu’agent de liaison auprès d’un état-major britannique. Et cela donne des dialogues assez cocasses. Le gentleman est dépeint avant tout comme un adepte du sport, il est allé à l’école non pour apprendre mais pour empêcher toute velléité de rébellion ("Nous n'allons pas au collège pour nous instruire, mais pour nous imprégner des préjugés de notre classe sans lesquels nous serions dangereux et malheureux."), il aime à dominer ce qui se rebelle, mais point trop de rébellion, s’il vous plait ("Le peuple anglais, qui avait déjà donné au monde le fromage de Stilton et des fauteuils confortables, a inventé pour notre salut à tous la soupape parlementaire. Des champions élus font désormais pour nous émeutes et coups d’État en chambre, ce qui laisse au reste de la nation le loisir de jouer au cricket. La presse complète le système en nous permettant de jouir de ces tumultes par procuration.").
Il est un peu ardu par moment de comprendre certains passages faisant référence à un vécu qui n’est pas le nôtre, à des expériences de vie ou des événements que nous ne connaissons pas, nous lecteurs du XXIe siècle, mais qui devait être évident pour un contemporain. Mais cela n'empêche pas de sentir la drôlerie des conditions ou des positions parfois ubuesques que nous décrit l'auteur, comme
Chapitre 3 : "Quel avantage, dit-il, les Français ont-ils pu trouver à changer de gouvernement huit fois en un siècle ? L’émeute était devenue chez vous une institution nationale. En Angleterre, il serait impossible de faire une révolution. Si des gens s’assemblaient près de Westminster en poussant des cris, le policeman leur dirait de s’en aller et ils s’en iraient."
Les charmes de la hiérarchie, les droits de l'Homme, tout y passe ou presque. J'ai particulièrement apprécié le chapitre 18 "transmis à toute fins utiles" où les récriminations d’une garde-barrière quant au comportement d’une brigade stationnée non loin de chez elle, passent de service en service, jusqu’à ce qu’il ne serve plus à rien de traiter sa demande puisque la dite brigade a été déplacée depuis des mois. Où encore un haut gradé qui, pour éviter de se faire taper sur les doigts à la suite de la disparition d'un char, va le reconstituer en commandant petit à petit des pièces détachées. Et lorsqu’il recomptera ses chars, il s’apercevra qu’il en a désormais un de trop car le char manquant a été retrouvé.
Pendant que les hommes entourant le colonel Bramble ont ces discussions cocasses, le colonel lui, ne pense qu’à avoir son porto et à entendre des disques sur son gramophone. Dans le ton employé par l'auteur, on sent à la fois de l'ironie, mais également une forme d'attachement pour ces personnages.