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Chez Larcher, on laisse le salarié comprendre par lui-même, et on a tous compris : pour durer, il faut s'accommoder d'une dose d'incompréhensible. Inutile de poser des questions si la machine te dit qu'à Lyon 70 % des Arnaud sont bruns, qu'ils pondent 5 mails de 200 à 800 signes par jour et que, s'ils boivent de la menthe à l'eau, ils doivent détester le bowling. On appelle ça une relation acausale et c'est ce que vend l'entreprise Larcher en traitant les données de masse.
Mais la machine est-elle capable de prédire l'âge auquel meurt un individu ? Le lieu et l'heure du décès ?
A-t-elle raison quand elle m'explique, à moi, son employé modèle, que ma fille va mourir à 17 ans ?
Après La vie de jardin, Alexis Brocas nous offre un roman sur notre société où les machines savent tout.
Mais aussi un récit d'aujourd'hui sur l'amour d'un père pour son enfant.
Né en 1973, Alexis Brocas est critique littéraire et enseignant à la Sorbonne. Il est l'auteur notamment d'une trilogie à succès pour adolescents, La mort j'adore !, et d'un premier roman paru chez Gallimard, La vie de jardin.
Haletant !
Je n’attendais rien du tout de ce petit roman de rentrée… et je me suis laissée totalement emporter par son intrigue. Voilà qui arrive parfois, et à chaque fois c’est un heureux étonnement de lecture. Un dieu dans la machine est un roman moderne, qui commence pourtant par le récit désabusé des galères d’un anti-héros, mais se termine dans un feu d’artifice futuriste. Roman d’anticipation ? Fable moderne ? Critique de notre société ultra-connectée ? L’histoire que nous raconte Alexis Brocas contient un peu de tout ça. Nous rencontrons tout d’abord notre narrateur, fraîchement père, fraîchement divorcé et fraîchement au chômage. Sa vie a été saccagée par deux trois lignes de trop dans un roman qu’il a publié. Il sait que pour s’en sortir, et pour briller de nouveau dans les yeux de sa fille Emma, il va devoir accepter ce travail étrange chez Larcher. Là-bas, on fait appel à ses compétences rédactionnelles, mais il faut aussi s’accommoder de ce que l’on ne comprend pas et surtout ne pas poser de questions. Larcher cultive l’art du secret. Notre narrateur fait croire à son entourage qu’il rédige des notices pour appareils ménagers. En réalité, il s’agit d’utiliser une machine, qui se nourrit d’informations statistiques, de données de masse, et à qui un beau jour le personnage d’Alexis Brocas a l’idée de demander l’espérance de vie de sa fille, alors qu’elle n’a encore que 6 ans. On lui répond qu’à 17 ans Emma décédera d’un accident, au milieu d’une foule, et qu’il sera présent. S’ensuit alors un contre la montre pour la vie et contre la machine. Je vous recommande réellement ce court roman haletant et très bien écrit, qui vous fera certainement comme à moi parfois froid dans le dos, mais qui a le mérite de mettre en lumière la manipulation des algorithmes qui tendent aujourd’hui à nous gouverner. Alexis Brocas croit aux pouvoirs de l’empathie et de l’humain, et c’est je crois ce qui m’a le plus touchée aussi. Un livre à glisser dans des mains adolescentes.