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A la base du drame rwandais, il y a le récit colonial ethnocentrique sur la Civilisation. Ce récit fait du Tutsi le Hamite (appelé "faux Nègre") venu du Caucase pour apporter "la civilisation aux vrais Nègres appelés Bantou-Hutu". A la veille de l'indépendance, Le Manifeste des Bahutu inverse les prémisses de cette logique coloniale. Il attribue au Tutsi une "nature dangereuse", en fait "l'ennemi absolu" face auquel toutes les mesures d'autodéfense sont prônées.
Ce préjugé, largement partagé par la population, crée un seuil d'acceptabilité sur la "nocivité" du Tutsi et légitime son extermination. C'est sur cet aspect que ce livre apporte un éclairage nouveau par rapport aux études antérieures. Car il remet en question le schéma souvent privilégié de la culpabilité de l'Etat et de l'innocence du peuple. C'est pourquoi une question demeure : une meilleure compréhension du génocide permettrait-elle de contenir la folie collective quand celle-ci s'inscrit dans une idéologie raciale au service d'un régime politique ? Cette dramatique interrogation incite à redoubler de vigilance vis-à-vis des élites qui nous gouvernent.
Car le drame rwandais a montré qu'il ne suffit plus de dire "plus jamais ça" pour que "ça" ne revienne plus.