La nature a ses anomalies qui portent le nom de monstres, le monstrueux, de son côté, renvoie à l’anormalité de l’homme. Georges Bataille utilisait à ce sujet l’expression de “part maudite”. Laurent Lemire nous propose une variation sur ce thème dans son ouvrage intitulé “Monstres et monstruosités” à travers un voyage dans l’histoire, dans les mythologies, dans les sciences humaines, dans la criminologie, dans le droit et ce que l’on peut constater c’est la prégnance de ce motif. On voudrait ne pas voir ce que monstre nous montre mais ce que pointe l’auteur
c’est justement que le monstre, c’est justement celui qui montre. Dans l’art contemporain on parle souvent de monstration pour qualifier le spectacle d’une exposition ou la démarche d’un créateur. Mais étymologiquement, le monstre est moins celui qui montre - du verbe latin monere – que celui qui avertit, qui met en garde. Il nous alerte sur des dangers qui ne sont pas si loin de nous .
Lemire nous invite à oberver le monde des monstres qui s’agite devant nous, sur nos écrans, dans nos esprits. Le périple que nous offre l’ouvrage nous ramène à des temps reculés, aux premiers temps de l’humanité quand le normal ne se distinguait pas vraiment de l’anormal. Aristote écrivait sur le sujet que la monstruosité était seulement un objet en opposition à ce qui se passait le plus ordinairement dans la nature. Mais en vérité depuis la nuit des temps l’homme s’est effrayé de ce qu’il pouvait devenir. Comme le suggère l’auteur “le monstre nous renvoie à l’instabilité de l’existence, à cette possibilité du basculement vers autre chose, vers la chose. Dans cette angoisse ondoyante, il y a bien sûr le corps parfait vanté dans les publicités et, en conséquence, la hantise du corps dégradé.”
Cette plongée dans l’anormalité ne sera cependant pas seulement dans celle du corps car la monstruosité peut se loger dans des cerveaux malades. Ce que démontre ce passionnant ouvrage c’est que voyager parmi les monstres, la monstruosité et le monstrueux c’est finalement interroger notre rapport entre eux et nous, ce qui nous différencie, ce qui nous unit, ce qui nous effraie. Lire “Monstres et monstruosités” c’est finalement découvrir ce que le monstre nous apprend.
Hugues DE SINGLY (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Même pas peur !
Que nous montrent les monstres? Nous-mêmes......
Et si c'était juste l'idéal de perfection qui était intrinsèquement délétère? Le monstre n'est pas "mauvais", il pose la question des limites, de nos actions et de nos pensées, et de leur caractère bon ou mauvais selon la norme à laquelle on se réfère. Fait-il faire allégeance à Dieu? Cultiver l'estime de soi? L'un comme l'autre pouvant engendrer des monstres au même titre que l'excès ou la carence de substances. Si la génétique donne le ton désormais, chacun reste le monstre potentiel de quelqu'un d'autre. Eichmann : « je ne suis pas le monstre que l'on a fait de moi, je suis victime d'une erreur de jugement »...Un livre monstrueusement passionnant!