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Pour ses copains de classe, Luke est un mec bizarre : il vient de perdre sa mère dans un accident de voiture, il a des yeux verts surnaturels, il est super doué pour la peinture. Pour couronner le tout, son père, fabricant de jouets en bois qu'il vend sur les marchés, ne parvient pas à payer les dettes qui s'accumulent depuis la disparition de sa femme. Bientôt, Luke et son père doivent déménager.
Ils s'installent loin de chez eux, dans une bâtisse à demi en ruine. Luke et son père se fichent de vivre dans une telle baraque. Le père parce qu'il boit trop depuis qu'il est veuf. Luke parce qu'il n'a que faire d'une maison quand il n'y a pas de maman à l'intérieur pour la remplir de joie et d'amour. Ainsi va l'existence de ces deux êtres en perdition : l'un s'enferme dans son atelier sans produire un seul jouet qui vaille le coup, l'autre explore la campagne alentour, à la recherche de choses à peindre.
Puis Jon arrive. C'est leur seul voisin, il a lui aussi treize ans et a aussi perdu sa mère. Et si Luke est bizarre, Jon, lui, est un ovni. Il porte des vêtements de papi des années 50, vit seul avec ses grands-parents qu'on ne voit jamais et a de drôles de goûts : passionné par les faits, seulement les faits, et doté d'une excellente mémoire, il emmagasine des informations en tous genres glanées à la bibliothèque municipale.
Évidemment, avec un tel bagage, il est le souffre-douleur de l'école.
Aux yeux de Luke, Jon a quelque chose en plus : il aurait plu à sa maman, qui aimait tellement les êtres à part. Quant à Jon, qui sait ce qu'il pense ? Ensemble, les deux adolescents si différents mais pareillement blessés par la vie apprennent très lentement à guérir. Même le père de Luke commence à réagir : il entreprend de construire pièce après pièce la sculpture d'un immense cheval de bois qu'il compte ériger au cour de la forêt voisine.
Pourtant deux terreurs profondes continuent de laminer Luke et Jon. Luke a peur de l'enquête qui doit déterminer si sa mère, maniaco-dépressive, s'est suicidée ou a bien été victime d'un accident. Jon est terrifiéà l'idée que les services sociaux découvrent son secret. Un secret que Luke évente par hasard un jour où il va chez Jon. Là, dans des pièces envahies d'ordures où rôdent les rats, végètent les grands-parents de Jon, vieillards séniles abandonnés aux soins de leur petit-fils.
L'électrochoc est puissant et vital : face à la détresse de Jon, Luke et son père doivent partir à l'assaut d'une réalité que le deuil avait effacée.
Copains d'infortune
Bien au-delà de l'histoire, c'est la simplicité du style, des mots et du ton qui rend ce récit émouvant. L'auteur se place dans la peau de Luke, un jeune garçon de 13 ans qui vient de perdre sa mère dans un accident de voiture. Il doit déménager avec son père dans une vieille maison délabrée de Duerdale. Nouveau collège en perspective, nouvelle maison, un père qui s'étiole et noie sa peine dans le whisky, autant de craintes qui s'ajoutent à son désarroi.
Il tente de se consoler dans la peinture des rochers de la colline et rencontre Jon, un garçon du village à l'allure bizarre, lui aussi orphelin. Jon vit avec ses grand-parents dans une maison encore plus sale que celle de Luke et craint la venue des services sociaux qui placeraient certainement ses grands-parents à l'hospice et lui dans un centre.
S'occuper de Jon sera une bouée de secours pour Luke et son père.
L'auteur exprime avec les mots d'un adolescent la rage face à la perte douloureuse d'un parent mais aussi face à la violence des camarades de collège. Il évoque aussi comment le jeune garçon vivait la maladie de sa mère maniaco-dépressive. Ce sont de graves sujets traités avec simplicité et naturel.
Jon, un peu scientifique glisse pourtant un joli poème de Henry Scott-Holland sur la vie après la mort. Luke, lui, n'a pas la foi.
" la foi qui est juste une béquille pour ceux qui ont trop peur de regarder la vie en face et de la voir exactement pour ce qu'elle est."
Mais ils se comprennent, se sentent proches dans leurs difficultés et se soutiennent.
L'auteur est à l'image de ses personnages, il n'en fait pas trop mais parle de l'essentiel.
" il aimait toujours les gens qui disaient vite ce qu'ils avaient à dire et savaient la boucler."
Même si le sujet est triste, le roman reste sobre et finalement optimiste.
" quelqu'un s'en va et ceux qui restent sont transformés, plus rien ni personne n'est pareil."
Mais la vie continue car d'autres personnes ont besoin de vous.
C'est un très beau premier roman, peut-être un peu trop épuré pour être un coup de cœur.