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Pourquoi lire les lettres du voyage à Sakhaline, perdues qu'elles sont dans l'immense correspondance échangée par Tchekhov sa vie durant ? Offrent-elles au lecteur quelque chose qui soit d'importance au-delà du seul témoignage socio-historique incontestable ? Dans ces lettres, reflet d'un voyage refuge, on voit la personnalité de l'homme-personnage Tchekhov évoluer, mûrir, se développer, chercher comme dans un miroir son visage, celui d'un homme qui, à chaque pas, s'éloigne du monde, envoûté par les dangers qu'il côtoie, envahi du sentiment tantôt euphorique, tantôt désespéré de celui qui in fine ne dépend plus que de lui-même.
Dans leur tout insécable, ces lettres, d'abord reflet d'une épopée et témoin d'un mouvement horizontal, la course vers l'Est, deviennent quête de soi et, pour ce faire, abandonnent l'anecdotique pour une ascension intérieure qui mène au dépassement de soi. Elles font entrer Tchekhov dans une existence nouvelle, une vie seconde dans la recherche de l'Être. Ces lettres enfin témoignent de la genèse et de l'élaboration de l'œuvre à venir, elles véhiculent les idées qui se retrouvent dans nombre de personnages de la création tardive.
En route vers Sakhaline
Il partit de Moscou en avril 1890 il atteint Sakhaline en juillet. Il y séjourne trois mois avant d’entamer une voyage de retour qui le ramène à Moscou en décembre de la même année.
En partant il cours des risques, le régime tsariste n’a jamais vu d’un très bon oeil les récits sur les défauts et les manques de la Russie,
il part sans recommandation, sans lettres d’introduction et très incertain de l’accueil qu’il recevra des autorités sur place.
Son ami et mentor Alexeï Souvorine s’est engagé à publier dans les colonnes de son journal, le récit de ce voyage, mais les lettres qu’Anton Tchekhov adresse à ses amis et relations ne sont pas destinées à être publiées, elles respirent le naturel et la sincérité, l’inquiétude pour les siens, parfois l’indignation, mais aussi son amour inconditionnel pour sa patrie.
Il va faire 12000 Km dans une contrée parcourue par les vagabonds, les mendiants et les déportés
Il voyage dans des conditions dures et très éprouvantes lui qui est déjà atteint de tuberculose.
Son itinéraire l’emporte en train, à cheval, il remonte la Volga sur un vapeur, il traverse le Baïkal sur un caboteur et remonte le fleuve Amour
Le tableau qu’il dresse de la Sibérie est sans concessions, le médecin et l’écrivain se confondent et il déplore l’état sanitaire des populations décimées par la diphtérie ou la variole. L’alcoolisme qui fait des ravages
A Irkoutsk plane encore le souvenir de Raditchev exilé par l’impératrice Catherine pour ses écrits jugés subversifs et ceux des décabristes coupables d’avoir rêvé à la démocratie et envoyés au bagne par Nicolas 1er.
on voyage de retour dure deux mois. Il embarque sur un bateau qui doit le ramener à Odessa, les escales sont parfois supprimées en raison d’une épidémie de choléra
Durant ces sept mois d’absence il a découvert l’enfer de Sakhaline et il ne sera plus jamais le même après cela.