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Ce livre, écrit avec beaucoup de talent et de profondeur, est ponctué d'incursions de l'autrice qui contrebalancent l'histoire passée par des événements et des préoccupations éminemment contemporaines et également intimes voire universelles.
" - Je suis en train de perdre ma moustache.
Sa phrase me gifle à peine ai-je passé le seuil de sa chambre. L'Oncle promène ses doigts dans les poils sel plus que poivre au-dessus de ses lèvres ; il lui en reste entre l'index et le majeur, qu'il fixe incrédule puis disperse en bas du lit électrique.
Je ravale mes larmes. On ne pleure pas face au malade.
Franklin se raconte, Tasha écoute. Ses yeux observent mon stylo-plume entamer le cahier d'un filet d'encre bleu royal qui scintille avant de se figer pour la postérité, et sa voix continue. Deal. On va l'écrire, ce livre. Ce sera le nôtre. "
Héritière de ses confidences, la nièce de Franklin Thévenaz retrace les aventures de cet homme qui s'éleva d'une origine modeste vers l'éclatante carrière humanitaire.
Né le 25 décembre 1949, il fut chargé des ambitions dévorantes de sa mère orpheline et son père bâtard, qui poussèrent leur enfant-Noël vers les grandes espérances. Son cheminement démarre dans le village mythique de Ste-Croix, faiseur de boîte à musiques à l'obsolescence non-programmée dont il deviendra le maire, à destination du " Québec Libre " des années 70.
Ce récit lance un regard tendre et ironique sur une époque regorgeant d'opportunités pour qui savait les saisir, sur la mégalomanie d'un clan et les fissures qui grignotent les individus.
D'une plume moderne, l'autrice laisse le présent s'incruster dans les épisodes du passé, faisant résonner les échos entre la vie de l'oncle énigmatique et la sienne. Les questions existentielles sont les mêmes et les époques s'entremêlent, jusqu'à faire rimer Montréal et Marioupol. Comment choisit-on son destin, en toute liberté ou dans l'ambition héritée de ses aïeux ? Comment se joue la transmission entre générations, est-elle aliénante ou inspirante ? La solitude est-elle le prix à payer quand on est épris de liberté ?
