Il y a un peu plus de soixante ans, un procès qui passionna l’Italie condamnait la Napolitaine Assunta Maresca, surnommée Pupetta, pour avoir vengé le meurtre de son mari mafioso. Philippe Vilain fait revivre cette histoire d’amour et de vendetta, sur le fond misérable et violent d’une ville alors encore marquée par les séquelles de la guerre et mise en coupes réglées par une Camorra déstructurée en une myriade de clans rivaux.
Fille d’un contrebandier de cigarettes, Pupetta est remarquée lors d’un concours de beauté par l’un des nouveaux patrons de la mafia, Pasquale
Simonetti, un guappo qui s’est imposé dans le racket alimentaire en cette période de pénurie d’après-guerre, et qui maintenant fait si bien la loi sur la région que c’est à lui que l’on vient même demander justice. Ainsi cet épisode, resté dans les annales, où il contraint un homme à épouser la fille qu’il a abandonnée enceinte : « J’ai dix mille lires dans ma main, je dois les dépenser en fleurs : tu préfères que j’en fasse quoi, que je les dépense pour ton mariage ou pour tes funérailles ? »
Elle-même très vite enceinte de ce « seigneur du crime, justicier et généreux », à la « réputation d’homme juste », Pupetta l’épouse en très grande pompe et, elle qui aspirait pourtant à une vie différente de celle de sa mère, accepte par passion de subir à son tour la malédiction attachée à toute femme de mafieux : « c’est écrit d’avance : ou bien il ira en prison, ou bien il mourra ». De fait, autant admiré que craint et jalousé, Pasquale Simonetti est abattu par un sicaire de son associé, moins de trois mois après les noces. Seule, déjà veuve à vingt ans et bientôt mère, l’impétueuse Pupetta décide de se venger. Acte passionnel et crime d’honneur, son geste prémédité et assumé qui lui fera déclarer lors de son retentissant procès : « Je le referais ! », l’inscrira comme une héroïne dans la légende napolitaine, en même temps qu’il la condamnera à une lourde peine de prison.
Excellant à recréer l’atmosphère de Naples et le rapport ambigu de la ville avec le crime organisé, Philippe Vilain redonne efficacement vie à cette « petite poupée », promise au sort effacé et soumis des femmes de sa ville et de sa génération, et qui devint pourtant, au fil d’un destin sulfureux noué autour d’un caractère fier et bien trempé, cette ambivalente figure de « Madame Camorra », criminelle aussi réprouvée qu’adulée. La narration au passé et sans beaucoup de dialogues donne à ce portrait historique romancé la coloration sépia d’anciennes photographies, ou encore le contraste d’un vieux film en noir et blanc, que l’on redécouvre avec fascination et étonnement. Dommage que l’histoire s’arrête sur un léger sentiment d’inachevé, obligeant le lecteur, faute d’un épilogue qui aurait été le bienvenu, à chercher ailleurs la suite du parcours de Pupetta. Car, condamnée à dix-huit ans de prison, elle fut graciée en 1965 et connut encore bien des avanies en lien avec des activités criminelles…
Histoire vraie
Il y a un peu plus de soixante ans, un procès qui passionna l’Italie condamnait la Napolitaine Assunta Maresca, surnommée Pupetta, pour avoir vengé le meurtre de son mari mafioso. Philippe Vilain fait revivre cette histoire d’amour et de vendetta, sur le fond misérable et violent d’une ville alors encore marquée par les séquelles de la guerre et mise en coupes réglées par une Camorra déstructurée en une myriade de clans rivaux.
Fille d’un contrebandier de cigarettes, Pupetta est remarquée lors d’un concours de beauté par l’un des nouveaux patrons de la mafia, Pasquale Simonetti, un guappo qui s’est imposé dans le racket alimentaire en cette période de pénurie d’après-guerre, et qui maintenant fait si bien la loi sur la région que c’est à lui que l’on vient même demander justice. Ainsi cet épisode, resté dans les annales, où il contraint un homme à épouser la fille qu’il a abandonnée enceinte : « J’ai dix mille lires dans ma main, je dois les dépenser en fleurs : tu préfères que j’en fasse quoi, que je les dépense pour ton mariage ou pour tes funérailles ? »
Elle-même très vite enceinte de ce « seigneur du crime, justicier et généreux », à la « réputation d’homme juste », Pupetta l’épouse en très grande pompe et, elle qui aspirait pourtant à une vie différente de celle de sa mère, accepte par passion de subir à son tour la malédiction attachée à toute femme de mafieux : « c’est écrit d’avance : ou bien il ira en prison, ou bien il mourra ». De fait, autant admiré que craint et jalousé, Pasquale Simonetti est abattu par un sicaire de son associé, moins de trois mois après les noces. Seule, déjà veuve à vingt ans et bientôt mère, l’impétueuse Pupetta décide de se venger. Acte passionnel et crime d’honneur, son geste prémédité et assumé qui lui fera déclarer lors de son retentissant procès : « Je le referais ! », l’inscrira comme une héroïne dans la légende napolitaine, en même temps qu’il la condamnera à une lourde peine de prison.
Excellant à recréer l’atmosphère de Naples et le rapport ambigu de la ville avec le crime organisé, Philippe Vilain redonne efficacement vie à cette « petite poupée », promise au sort effacé et soumis des femmes de sa ville et de sa génération, et qui devint pourtant, au fil d’un destin sulfureux noué autour d’un caractère fier et bien trempé, cette ambivalente figure de « Madame Camorra », criminelle aussi réprouvée qu’adulée. La narration au passé et sans beaucoup de dialogues donne à ce portrait historique romancé la coloration sépia d’anciennes photographies, ou encore le contraste d’un vieux film en noir et blanc, que l’on redécouvre avec fascination et étonnement. Dommage que l’histoire s’arrête sur un léger sentiment d’inachevé, obligeant le lecteur, faute d’un épilogue qui aurait été le bienvenu, à chercher ailleurs la suite du parcours de Pupetta. Car, condamnée à dix-huit ans de prison, elle fut graciée en 1965 et connut encore bien des avanies en lien avec des activités criminelles…