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La maladresse n'est pas envisagée ici comme un défaut. En parcourant l'histoire du cinéma (de Man Ray à Jonas Mekas, de Renoir à Pialat), on découvre qu'il existe une maladresse délibérée, relevant d'un programme artistique, d'une visée esthétique. On sait que, dans le burlesque, la maladresse a un pouvoir libérateur : Buster Keaton, Charlot et Monsieur Hulot sont des saboteurs qui mettent à nu l'absurdité de notre quotidien.
Certains réalisateurs ont exploité le potentiel subversif de la maladresse pour mettre en crise les conventions du " bien-filmer " traditionnel. Dans les films de Jacques Rozier, la gaucherie (féconde) des personnages constitue une sorte de manifeste en faveur de l'" amateurisme " de la mise en scène. Comme chez Jean Rouch, Jean-Luc Godard ou Gilles Groulx, il s'agit de rejeter le savoir-faire attaché au réalisme classique pour instaurer un rapport plus authentique à la réalité.
Le cinéma contemporain est tributaire de cet héritage ; la maladresse y est largement utilisée dans le but de " faire vrai ". Une recherche plus approfondie montre que la maladresse recouvre encore d'autres enjeux : elle permet d'interroger les présupposés du médium cinématographique et, in fine, de désigner les limites de l'image, de montrer que quelque chose échappe - qu'il y a du non-visible, de l'insaisissable, de l'imprésentable.