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On assiste depuis plus de 50 ans à une prise de pouvoir par les économistes. Ils sont devenus omniprésents. Il suffit de feuilleter les journaux ou d'allumer la télévision pour les voir et les entendre s'activer dans de multiples domaines, que ce soit pour donner leur avis sur des problèmes collectifs ou intervenir dans les politiques publiques. Ils ne se contentent pas de parler. Dans de nombreux pays, des experts en économie, le plus souvent membres d'aucun parti politique, occupent le poste de ministre de l'Économie mais aussi de multiples autres fonctions dirigeantes de l'État.
L'auteure enquête de manière approfondie sur la manière dont ils se sont imposés en étudiant la manière dont les économistes se présentent eux-mêmes, puis la manière dont les critiques les mettent en cause.
L'économie a d'abord du se séparer strictement des autres sciences sociales pour bénéficier du prestige qui sont ceux des sciences de la nature, comme la physique.
Elle a été mathématisée à outrance devenant la plus abstraite possible et des frontières infranchissables ont été créées avec l'histoire, la sociologie, etc.
Les économistes se sont totalement identifiés avec l'école néolibérale et monétariste, très minoritaire jusque dans les années 1960 dans les universités américaines. Pour changer le rapport de forces, ils ont créé des think-tanks avec l'aide du parti républicain américain, créés tout un réseau d'instituts, de centre de recherche et même d'universités le plus souvent privés.
Ils ont trusté des postes importants dans les grands médias en particulier dans la presse économique.
Avec l'arrivée au pouvoir de Thatcher puis de Reagan, ils vont aider à remplacer partout les programmes liés à l'État social par des politiques reposant sur la liberté des marchés. Leurs premiers terrains d'expérience seront le Chili de Pinochet et l'Argentine après le coup d'État militaire. Dans ces pays, aucun obstacle démocratique ne s'oppose désormais à leurs politiques qui vont avoir des effets ravageurs sur le chômage, la destruction des industries locales et le développement accéléré des inégalités sociales.
Leur terrain d'expérimentation s'étendra progressivement, en particulier en Russie dans les pays de l'Est.
Mariana Heredia reconstitue en sociologue les controverses qui ont accompagné ce chamboulement mondial, la manière dont les économistes néolibéraux, désormais hégémoniques, ont présenté leurs " succès ", mais aussi la manière dont des économistes critiques ont rendu compte de la nouvelle situation.
Mais derrière ces controverses, l'auteure montre comment le recours à l'" expertise " constitue un nouveau moyen de lutte politique et comment les économistes ne sont peut-être que l'avant-garde d'une redéfinition générale du rapport entre science et politique, connaissance et applications pratiques.