Michel Porret

"Ce n'est pas une image, c'est une figure vivante, empreinte d'une sérénité telle qu'on oublie de contempler ses traits. Elle cesse d'être immobile. Les bras se relèvent lentement. Les mains se rejoignent entre les seins. Nous avons tressailli comme si quelqu'un était entré parmi nous : une femme d'Atlantide échappée au cataclysme, affranchie de l'implacable loi du temps...[...] Une vivante ? Une morte ? Tout devenait possible désormais." Encore transi de l'horreur de la Première Guerre Mondiale et comme dans le pressentiment d'une incommensurable tragédie à venir, Le Soleil enseveli (1928) déploie une version océanique du mythe platonicien de l'Atlantide.
Ici, c'est dans l'archipel des Açores que resurgit temporairement le Pic d'Atlantide. Sur le mode d'une épopée maritime, archéologique et spirituelle, se noue et se dénoue l'aventure intérieure du physicien humaniste Etienne Kerluce, le "conquérant de l'invraisemblable", initié dans le temple du soleil à la sagesse atlante, puis détenteur de pouvoirs défiant toutes les lois des sciences de son temps, au prix d'un scandale qui le conduira jusqu'à l'internement psychiatrique.
L'imaginaire romanesque, la philosophie spiritualiste et la réflexion éthique sur la connaissance font du Soleil enseveli, couronné "meilleur roman d'anticipation" en 1928, l'un des chefs d'oeuvre de Noëlle Roger (Genève, 1874-1953), elle-même trois fois médaillée de l'Académie française.