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Voyager ou écrire, on peut se demander de quelle passion Sylvain Tesson se nourrit le plus. Ce Parisien, né en 1972, tombe très jeune dans l’amour du voyage et de la découverte. Il nous en livre aussitôt le récit. Moins jeune, c’est d’un
toit qu’il tombe, car il est aussi épris d’escalade. Même là, il en retire une aventure humaine et la partage.
Géopolitique et expériences humaines
On peut dire de cet écrivain aventurier que ses origines familiales l’ont peut-être prédisposé : une mère spécialisée en médecine tropicale, un père journaliste, autant dire la double propension à explorer ce qui nous vient de l’étranger et à vouloir le raconter. Tant mieux pour nous, car sa bougeotte nous vaut de sillonner d’incroyables terres et de lointaines sociétés. Sous forme de carnet de voyage, d’essai, d’album photographique ou de documentaire, Sylvain Tesson fait chaque fois le récit de la rencontre non préméditée, avec soi-même, avec autrui, avec un environnement qui pousse à grandir.
Livres d’aventure
Encore étudiant en DEA géopolitique, Sylvain Tesson n’en reste pas aux livres de cours. À 19 ans, il enfourche déjà son vélo pour traverser le désert central d’Islande. Il enchaîne en rejoignant une expédition de spéléologie en Malaisie.
Aux côtés de son ami Alexandre Poussin, il se lance en 1993 dans un audacieux tour du monde à VTT. Mieux qu’un trophée, il nous rapporte « On a roulé sur la terre », le récit d’un périple de 25 000 kilomètres, qui reçoit le prix jeune IGN.
Plus jamais il ne s’arrête ! À 25 ans, il se rend à pied du Bouthan jusqu’au Tadjikistan, une aventure que retrace « La marche dans le ciel : 5 000 kilomètres à pied à travers l’Himalaya ».
L’expérience humaine en terre hostile
Fasciné par l’Asie, le voyageur décide deux ans plus tard de marcher dans les pas des grands explorateurs, comme Marco Polo ou Ella Maillard. Avec sa compagne, l'exploratrice Priscilla Telmon, il nous livre cette traversée des steppes à cheval, de la Chine à la mer d’Aral, sous la forme d’un roman, « La chevauchée des steppes », puis d’un carnet de voyage « Carnets de steppes : à cheval à travers l’Asie centrale ».
Pour Sylvain Tesson, ni l’exploit, ni le voyage ne sont une fin en soi. Ce qui le captive, c’est l’expérience humaine, la confrontation aux éléments naturels qui s’opposent à lui. « L’axe du loup », puis l’album photographique « Sous l’étoile de la liberté : six mille kilomètres à travers l’Eurasie sauvage » rendent hommage aux évadés du goulag. À pied, à cheval, à vélo, il refait leur trajet, en conditions extrêmes, de la Sibérie jusqu’en Inde, en passant par la Chine puis par le Tibet. En 2012, il recommence, en side-car. Il reproduit le périple « Berezina » jadis opéré par Napoléon pour replier sa Grande Armée, de Moscou à Paris.
Un regard sur la vie des hommes
Quand d’autres parleraient de retour à la nature, Sylvain Tesson nous propose plutôt un retour à l’essentiel. Souvent heurté par nos sociétés modernes, il nous interpelle : « Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d’espace et de silence ? ». En 2010, il décide donc de s’établir, seul, pour six mois, sur les bords du lac Baïkal, au cœur de la Sibérie. Une tranche de vie en ermite, qui aboutit à « Dans les forêts de Sibérie », teinté d’émotions profondes.
L'accident qui changea tout : "S’extasier de l’instant"
D’expéditions en équipées, Sylvain Tesson multiplie les talents. En 24 ans, il signe neuf récits de voyage, sept nouvelles, dix albums photographiques et dix films qui retracent ses épopées. Il est aussi animateur en radio, présentateur sur France 3, journaliste, conférencier, souvent préfacier.
Son destin aurait pu s’arrêter en 2014, quand l’auteur intrépide, amateur de l’escalade des toitures, chute de dix mètres. Plongé dans un coma artificiel, il en réchappe, abîmé, au prix de longs mois de soins. C’est en traversant la France, « Sur les chemins noirs » du sud au nord, qu’il achèvera de se guérir, à pied. Plus que jamais, il invite à s’extasier de l’instant qui ne dure pas.
Un écrivain salué
Sylvain Tesson, pour « Une vie à coucher dehors », reçoit le prix Goncourt de la nouvelle 2009. Il est récompensé par le prix Nice Baie des Anges, en 2014, pour « S’abandonner à vivre ». En 2011, le prix Médicis essai salue « Dans les forêts de Sibérie ». « Berezina » est doublement primé en 2015, par le prix de la Page 112 et le prix des Hussards. En 2019, le prix Renaudot est décerné à « La panthère des neiges ».