Un nommé Unschlecht

Unschlecht - pas mauvais, en allemand - est un personnage curieux : un simple d'esprit, un naïf, un candide bon vivant, à la fois dangereux et convoité. Convoité, parce qu'il est riche et que son immense fortune fait des envieux. Sa petite ville de Suisse allemande n'est pas sans rappeler le Güllen de la Vieille Dame indigne de Dürrenmatt. Et dangereux, parce que n 'écoutant que ses instincts et démis de sa tutelle. Unschlecht, le simple, mais aussi le rusé, accumule les délits, des plus bénins ou plus terrifiants, du vol à l'étalage à l'attentat à l'explosif ! On le tolère, parce qu'on l'exploite et qu'on espère cueillir un jour les fruits de cette mansuétude. Mais le temps passe et, finalement, Unschlecht doit partir. Il se met en route. Et commence alors une vie d'errance. On le retrouve à Londres, à Hambourg, à Berlin. Recherché par la police, il est constamment à l'affût d'abris. Suite à une petite annonce, il se marie, et se refait une conduite, en même temps qu'une identité. Il devient Monsieur Guttmann et joue son rôle de Chef de famille avec toujours plus de conviction. Mais Unschlecht est taraudé par la nécessité vitale de rentrer chez lui, et fort de son nouveau visage remodelé, il reprend sa place parmi les siens qu'il observe désormais avec la curiosité lucide d'un voyeur. Gil Blas helvétique, Woyzeck civil, Unschlecht est le révélateur d'une société, la nôtre, et de la nature humaine en général. Candide moderne, il oblige ceux qu'il croise à se démasquer, faisant surgir et exposant au grand jour les vices cachés et l'hypocrisie universelle de nos contemporains, tapis confortablement dans leurs petites villes dont la propriété s'arrête le plus souvent aux façades fraîchement repeintes ou soigneusement crépies.