Pourquoi à un certain moment casse-t-on son jouet ?
Alexis Kandilis a tout. Adulé par tous, homme séduisant, beau mariage, chef d’orchestre de renommée internationale, il est au sommet de son art. Puis, un grain de sable ; un refrain entêtant et angoissant, celui des enfants morts de Gustav Mahler, une réflexion très désagréable à un membre de l’orchestre et tout s’emballe.
Alexis Kandilis, lorsqu’il parle de son art, ne donne pas l’impression d’un amour partagé. La musique est au service de son prestige, mais lui ne semble par être au service de la musique et, l’amour
à sens unique ne dure qu’un temps. Il se lasse de la musique et elle, à travers les musiciens de l’orchestre, se lasse de lui. « L’émotion que ressentait Kandilis était d’une autre nature. Une émotion feinte, qu’il avait appris à mimer avec talent. »
Quelque chose cloche chez ce grand chef d’orchestre. Le succès ne peut expliquer à lui seul, sa morgue, son mépris, son arrivisme, son besoin de séduire et d’être aimé…. Ah, voilà, il a ce besoin énorme d’être aimé….. Car il cache une grosse blessure en lui. La vie l’a blessée, il a pris soin de mettre beaucoup de pansements dessus, mais un jour…. Les points de suture ont lâché et la voilà à vif qui le dévore, mais il est trop tard.
Pour essayer de survivre, il se lance à corps perdu dans le jeu, mais il se perd un peu plus, la chute n’en sera que plus dure et il paie le prix fort pour son arrogance, sa méchanceté gratuite et blessante.
Certains vont essayer de le sortir de cette spirale infernale en l’entourant d’amour, d’amitié, le tenir à bouts de bras. Il pense lui-même revenir au premier plan de la notoriété par ses compositions, mais, las, la Faute est toujours là ! il reçoit le camouflet de trop et ce sera la chute dramatique.
Que penser de Sacha et Menahem qui semblent être les doigts du destin ? Que penser de la fin, toujours le destin ??? La mort de l’un pour la renaissance de l’autre ??? Toutes les portes du hasard, de la destinée nous sont ouvertes.
Quel récit ! Metin Arditi nous offre une partition tragique et flamboyante où il dépeint avec une grande justesse la fragilité humaine et y parle si bien de l’Art. L’art de Metin Arditi est d’offrir un texte où
Je remercie vraiment Entrée et Livre de m’avoir inclus dans son panel de lecteurs VIP pour cette opération de la rentrée littéraire "Coup de cœur des lecteurs" ainsi que les éditions Actes Sud.
Une Chute aux enfers poignante
Prince d'orchestre, ou la chute d'un chef d'orchestre à l'orgueil immense. Conduit à la perte par des blessures narcissiques qu'il n'a jamais vraiment guéries depuis son enfance et desservi par une mère qui n'a eu de cesse de lui lécher ses plaies plutôt que de lui retirer ses bandages d'un coup sec et douloureux, Alexis Kandilis est un chef d'orchestre doué, très doué, à l'hybris démesuré et à qui une accroche avec l'un de ses musiciens d'orchestre sera le début d'une déchirure qui ira jusqu'à la rupture avec lui-même et le monde.
J'ai beaucoup aimé cette descente aux enfers à l'écriture puissante et évocatrice. L'atmosphère étouffante de cet homme humilié par ceux qu'ils croyaient ses amis, qui se perd dans une Genève froide et dure et s'abîme dans le jeu, est tout simplement bouleversante.
Je suis entrée dans ce livre pour le traverser en apnée, complètement happée par cet incroyable destin.