Les Melouga. Une Famille Pyreneenne Au Xixeme Siecle

Lorsque Le Play l'étudie en 1856, la maison Mélouga compte quinze personnes vivant à la dure dans une haute vallée des Pyrénées. A chaque génération, un unique héritier est chargé de la direction du domaine. Ses nombreux frères et soeurs doivent soit rester célibataires, soit quitter la propriété familiale. Le Play voit dans ce type d'organisation sociale, qu'il baptise "régime de la famille-souche", une formule d'avenir face à la montée d'un capitalisme, qui assimile les hommes à des marchandises, et d'un socialisme qui prétend faire disparaître les "distinctions éternelles" entre dirigeants et dirigés. De 1869 à 1906, des disciples de Le Play retournent à Cauterets mettre à jour la monographie établie par leur maître. Les frères et soeurs se déchirent dans des procès, le domaine est démembré. Le dernier des Mélouga, devenu conducteur de tramway, fume, boit tous les jours du café et du vin, et ne va plus à la messe. Les héritiers intellectuels de Le Play se divisent quant au sens du destin des Mélouga : injuste gâchis imputable à l'égalitarisme du Code civil napoléonien en matière d'héritage (Cheysson, Bayard) ou disparition inéluctable d'un fossile sociologique (Butel) ? Leurs débats ouvrent sur d'autres questions, moins simples qu'il ne parait. Qu'est-ce qu'une famille ? Qu'est-ce qu'une règle sociale ? Comment les étudier ? Ces textes constituent une étude de cas d'un intérêt historique, sociologique et ethnologique exceptionnel. Ils sont réunis ici pour la première fois. Alain Chenu, dans sa postface, montre que Le Play, en dépit de son idéologie poussiéreuse, s'est affirmé, dans le champ des sciences sociales, comme un grand défricheur, autant par ses travaux de "terrain" que par ses exigences méthodologiques.