1937. Chassés de leurs monastères par les bolchéviques, quelques moines échappent à la tuerie et s’enfuient, se cachent dans les forêts. Ainsi firent Nikodime et deux jeunes moinillons venus l’avertir. Errant, Nikodime ne sait quoi répondre aux deux frères. « Seigneur, Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné ? » « Non, ce n’était pas le Seigneur qui avait abandonné les hommes. C’était des gens comme lui, Nikodime, qui avaient laissé entrer Satan dans leur vie. Des gens qui avait souillé l’Eglise de leurs péchés et ne priaient Dieu que pour leur propre salut. » Ah
! voici un pan du secret révélé, mais guère plus que l’ombre d’un soupçon.
Nikodime se ressaisit et décide leur établissement dans des cabanes de chantier totalement à l’abandon et son bientôt rejoints pas d’autres transfuges.
Cette longue réflexion jette les base d’une petite confrérie « la Petite Jérusalem ». Ils se sont fixés un but, sauver les icônes et autres objets d’art sacré en les volant dans les églises dévolues à des choses genre gymnase, maison du peuple…
Nikodime est encore et toujours en proie à ces démons, à ces souvenirs. Malgré les punitions qu’il s’inflige, Satan rôde encore et toujours. Cette fois-ci sous les traits de la jeune Irina. « Le couple semblait terrorisé. Mais la fille dévisageait Nikodime sans retenue. C’était une adolescente de petite taille, très blonde. Elle avait une poitrine lourde qui lui donnait un air de femme-enfant. »
Mais bon, je ne vous en raconterai pas plus.
Une histoire prenante, qui raconte la grande histoire à travers ce moine… Mais au détour d’une page, nous voici de retour en 2000 où Arditi nous présente un photographe de grand renom : Mathias Marceau.
Dépaysement total. Bon, Marceau va redevenir reporter pour partir à la recherche de ce moine et des objets d’arts pour les photographier. Classique ! Que nenni mes amis, mais là encore, je n’ai pas du tout, mais alors là pas du tout envie de vous dévoiler la suite.
Metin Arditi nous emmène au fil des pages dans une épopée chronologique. Le secret, l’Histoire, les histoires, tout cela dans un style haletant. Ces hommes exaltés, fiers de leur croyance, jusqu’auboutistes nous amènent à une réflexion, comme dans Prince d’orchestre, sur la fragilité de l’homme, ses souffrances, ses secrets et toujours et encore l’Art et son côté sacré.
Cette fois encore, Metin Arditi m’a prise par la main. Je me suis laissée porter par sa plume. La première partie est assez forte ; voir ces hommes, ces rebelles, se cacher, s’entraider, puis se diviser jusqu’à des chutes inattendues. La seconde partie explicite les secrets. La comédie jouée par les Hautes Autorités pourrait être risible si elle n’était pas réaliste.
Inégal
Voici le troisième roman que je lis ces dernières semaines qui se déroule en Russie. Epoques différentes, personnages différents, mais une même constance : la beauté des paysages et la rigueur du climat, la force des hommes et l’intensité de l’Histoire de ce pays.
Dans ce récit, Metin Arditi nous fait découvrir l’histoire de Nikodime Kirilenko, moine ermite qui tenta de sauver d’immenses œuvres d’art de la destruction bolchévique. Mêlant la vérité et la fiction, il nous propose un portrait très humain de Nikodime, déchiré entre sa dévotion, ses péchés et son repentir. Soixante ans plus tard, Mathias, photographe de mode dont la vie part en déliquescence, sera amené à mettre au jour la part de lumière de cet homme qui sera élevé au rang de martyr le 26 avril 2002.
Cette fresque historique nous raconte deux périodes distinctes de l’histoire russe et ressuscite la confrérie des moines volants sans laquelle les plus beaux trésors de l’art sacré orthodoxe auraient irrémédiablement disparu.
Ce récit palpitant souffre cependant d’une narration inégale. La première partie historique tient en haleine. Elle nous emmène au cœur d’une période peu connue de l’Histoire soviétique et nous propose une belle galerie de portraits, aux personnalités attachantes. La seconde qui voit Mathias partir en quête de son histoire personnelle manque de souffle et d’intensité. Les personnages semblent plus estompés, moins consistants. Enfin, la dernière partie dénoue les langues et les secrets faisant se rejoindre réalité et fiction, passé et présent, dans une situation finale attendue certes, mais secouée de quelques rebondissements.