L'ultime atome. De Démocrite au Boson de Higgs et au-delà

Forgé au 5ème siècle avant notre ère dans une bourgade de la Mer noire, aux confins du monde grec, le concept d'atome n'évoque d'abord qu'une idée, celle de l'indivisibilité. Sa détermination concrète ne peut relever que d'une expérience de pensée. Ainsi, Démocrite d'Abdère assimile les atomes aux innombrables lignes de force, appelées "rythmes" , d'un espace primordial sans limites qui, en s'entrelaçant, abritent d'éphémères espaces cosmiques à trois dimensions.
Aristote, en revanche, situe d'emblée les atomes dans l'espace tridimensionnel d'un cosmos éternel et leur attribue des propriétés physiques (grandeur, poids, etc.). épicure enfin, suivi de Lucrèce, fait des atomes des corps aristotéliciens, invisibles en raison de leur petitesse, qui en se heurtant forment des tourbillons d'où naissent les choses et les mondes que nous voyons. Au terme de ces réinterprétations successives, une tradition s'est établie, qui fait des atomistes anciens les précurseurs des matérialistes modernes.
Or, dans un mouvement inverse, la physique moderne n'a eu de cesse de déconstruire le matérialisme corpusculaire, en vogue au XIXe siècle, pour rejoindre, par les voies qui lui sont propres, les intuitions radicales de l'atomisme premier. Ainsi, l'atome physique découvert au début du XXe siècle n'est pas insécable : il contient des particules quantiques qui semblent, elles, correspondre à la définition initiale de l'atome.
La découverte récente du boson de Higgs va en tout cas dans le sens de cette hypothèse. En conjuguant leurs compétences, le physicien étienne Klein et le philosophe Heinz Wismann reconstruisent, non sans bousculer nombre de certitudes, l'histoire d'une idée fondatrice qui témoigne du lien intime entre la pensée scientifique et la pensée tout court.