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Laure avait des mots d'amour mais pas les preuves : Vincent n'évoquait jamais de date pour une prochaine rencontre. Et ce décalage entre les paroles et les actes la perturbait. Les messages maintenaient un lien entre eux, mais ils rendaient aussi la distance plus palpable et transformaient Vincent en une divinité inaccessible. Laure est tombée amoureuse de Vincent en discutant avec lui sur Facebook.
Depuis des mois, ils échangent aussi des SMS à longueur de journée. Elle sait tout de lui, de ses goûts, de ses habitudes mais tout reste virtuel. Si Vincent tarde à lui répondre, l'imagination de Laure prend le pouvoir et remplit le vide, elle s'inquiète, s'agace, glisse de l'incertitude à l'obsession. Quand une rencontre réelle se profile, Laure est fébrile : est-ce le début d'une histoire d'amour ou bien une illusion qui se brise ? Subtile analyste du sentiment amoureux, Stéphanie Dupays interroge notre époque et les nouvelles manières d'aimer et signe aussi un roman d'amour intemporel sur l'éveil du désir, l'attente, le doute, le ravissement.
De la virtualité du désir amoureux
Après "Brillante", son premier roman, Stéphanie Dupays continue, dans "Comme elle l'imagine", avec intelligence, style, et profondeur, d’explorer la façon dont les transformations du monde actuel bouleversent les rapports entre les êtres. Ce roman révèle comment la virtualité d’internet démultiplie le rôle de l'imaginaire dans la formation et l’évolution du désir amoureux. On ne devient plus amoureux d’une femme dont on a aperçu le dos lors d’un bal ou croisé le regard au théâtre. Mais on peut devenir amoureux d’une femme, ou ici d’un homme, parce que deux ou trois commentaires Facebook, qui arrivent au bon moment, semblent tout d’un coup suggérer une communauté d’âmes, mieux encore une promesse de bonheur partagé. Voilà comment Laure tombe amoureuse de Vincent, dans cet espace semi-public, semi-privé de Facebook, entre soi et mise en scène de soi. Et voilà qu’une cristallisation implacable s’opère, dans laquelle le réel perd toute chance face à l’imaginaire « Face à son béguin virtuel, ces hommes n’avaient aucune chance car ils étaient réels alors que Vincent était une idée façonnée par Laure à l’image exacte de son désir. » Tout cela est si puissant que la moindre déception, lors de la première rencontre réelle, devient par nature impossible « Laure avait tant désiré ce moment qu’elle ne pouvait pas être déçue. » Mais la comédie des masques, fut-elle parée des attraits du partage littéraire, finit toujours par se heurter au besoin de l’autre, comme présence attentive, comme générosité rassurante, comme devant habiter son intimité et pas seulement peupler son imaginaire. Il faut à un moment accepter de poser son armure, fut-elle virtuelle, et de sortir de soi pour aller vers l’autre. Dans notre âge digital, cela veut dire réapprendre à vivre en présence de l’autre, accepter l’inconfort des sentiments, l’intimité troublante des corps. C’est toute la force du style de Stéphanie Dupays que de nous faire sentir, comprendre, penser comment, dans l’ordre amoureux, le monde virtuel rapproche soudainement mais aussi éloigne brutalement, et comment, in fine, aimer suppose d’accepter qu’on ne peut être proche tout en se tenant à distance. Un roman essentiel pour saisir les tourments de notre époque, et peut-être trouver les clés pour s’en émanciper.