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Lorsque Manuel Alegre fait paraître Babilonia, en 1983, le Portugal semble avoir renoncé à l'idéal qui avait conduit, neuf ans plus tôt, à la Révolution des œillets. Dans ce recueil de poésie, l'auteur constate la perte des repères et des valeurs, ainsi que la fin des idéologies qui plongent l'homme d'aujourd'hui dans le désarroi. Mais s'il fait ce constat, pertinent d'un point de vue historique, c'est pour mieux montrer l'importance de la dimension utopique et poétique dans un monde sans idéal et donc desséchant ; c'est que l'utopie et la poésie se proposent de changer le monde.
Manuel Alegre érige ainsi la poésie en citadelle imprenable de l'utopie qui, malgré les assauts répétés de la désillusion et du désenchantement, regarde résolument l'avenir : impossible pour les rationalistes et les nihilistes, elle ne l'est pas pour le poète visionnaire qui nous donne des raisons d'espérer. Puisqu'elle est d'essence poétique, elle existe déjà, à l'état de rêve, bleu et doux, ou sous la forme de vers, enchanteurs et scandés.
Fidèle à son idéal, Manuel Alegre cherche à réintroduire l'utopie dans le champ du possible ou du moins dans le discours. La poésie apparaît par conséquent comme la voie royale pour forger de nouvelles utopies car la quête de la Terre promise est éternelle.