" Hier, un front froid est descendu de l'Alaska, faisant chuter la température de moins six à moins vingt-six degrés en l'espace d'une heure - les branches et les rameaux ont été arrachés des troncs, tout est passé devant la maison pêle-mêle, poussé par un vent mordant, acéré. Une fois la nuit tombée, la température a continué à descendre, au milieu des étoiles glacées et crépitantes, à plonger, à s'abîmer jusqu'aux alentours de moins trente-huit, moins trente-neuf, après quoi le vent s'est tu...
Je veux m'enfoncer dans l'hiver, profiter de sa beauté et de son silence, et jouer selon mes règles, mais c'est bien difficile -ces journées courtes et sombres sont plus fortes que moi, plus puissantes que le remue-ménage chimique qui s'opère au fond de mon cerveau, et je sais désormais que si j'essayais de lutter, je serais encore plus fatigué le lendemain. "
Pas d'électricité, pas de téléphone, aucune commodité, une route impossible, juste le Dirty Shame Saloon, à une demi-heure. Mais une vallée de commencement du monde, dans un coin reculé du Montana. Le rêve, pensent Rick Bass et sa femme, Elizabeth...
Un combat aussi, de chaque jour.
Winter est le récit, extraordinairement intense, d'une découverte du monde, au fil de l'hiver, de la splendeur, de la cruauté et des mystères du " wilderness ". Mais aussi d'une découverte de soi - la révélation, au terme d'un progressif dépouillement, de l'essentiel : cette " part sauvage " en nous, que Rick Bass va désormais placer au cœur de tous ses livres...
Une expérience authentique
J'ai lu ce livre sur les conseils d'une collègue avec qui je partageais mon goût pour le roman de Sylvain Tesson ("Dans les forêts de Sibérie") et qui m'a dit que celui de Rick Bass était encore meilleur et bien moins "artificiel" dans sa démarche. Il ne fait aucun doute que l'ambiance est bien plus authentique : Rick Bass et sa compagne cherchent à faire une expérience d'isolement d'"artistes" (haaa, écrire ou peindre au coin du feu quand les éléments se déchaînent tout autour!!!) mais ils s'intègrent aussi beaucoup plus à leur nouvel environnement et s'y plaisent au point de vouloir y rester un peu plus que le temps de l'hiver. Ils préparent durement les longs mois de neige, bricolent beaucoup et finalement, passent moins de temps à écrire ou peindre que prévu. Les considérations de Rick Bass sur ce premier hiver dans le Montana sont très terre-à-terre et nous plongent dans l'ambiance comme si on y était.