J’avais déjà lu et adoré La jeune fille à la perle puis La dame à la licorne. Mais ce titre-ci me rebutait à cause du sujet : les fossiles, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. Lorsque Loesha (encore elle) l’a lu et aimé, elle me l’a prêté, insistant pour que j’essaie. Je me suis décidée après quelques semaines à l’ouvrir. Et le début a confirmé mes craintes : le premier quart du roman nous plonge dans des descriptions de fossiles et de roches en tout genre.
J’ai tout de même apprécié la plongée dans l’Angleterre du XIXe siècle, où Tracy Chevalier embarque
son lecteur à la découverte d’une autre époque, suivre 2 femmes que tout oppose mais qui vont s’unifier pour défier les normes en vigueur. Et, bien vite, c’est cet aspect qui est mis en avant. Au-delà de simples cailloux fascinants, c’est le combat de deux femmes pour le droit au respect, quel que soit la condition sociale ou le sexe, qui est ici exposé. En plus, leurs découvertes d’un ichtyosaure puis d’un plésiosaure risquent de remettre en cause les fondements même de la religion : le monde n’est pas tel que Dieu l’a créé, il évolue en permanence, et certaines espèces disparaissent. Cette confrontation entre croyance et science balbutiante est vraiment très intéressante : géologie et paléontologie se cherchent. Des experts viennent jusque sur les falaises de Lyme Regis pour trouver des échantillons voire des spécimens exceptionnels. L’afflux de curieux en tout genre permet à certains habitants du village, en vendant leurs trouvailles, de subsister.
Nous suivons précisément deux femmes : Mary Anning et Elizabeth Philpot. L’une à la fraicheur, la naïveté, la joie de vivre de l’enfance et l’autre est une vieille fille qui n’a plus aucun espoir de se marier. L’une est issue d’un milieu très modeste, fille d’ouvrier qui n’a laissé que des dettes derrière lui et l’autre se réfugie à Lyme avec deux de ses sœurs pour vivre tranquillement de sa rente. L’une utilise des termes vulgarisés pour désigner ses curios, l’autre des mots savants et latins. L’une veut simplement vivre comme elle l’entend, peu importe les convenances ridicules et obtuses et l’autre est consciente du poids que la société du XIXe siècle exerce sur son existence. Mais les deux sont habitées de la même passion et se lient rapidement d’amitié pour chasser ensemble. En alternant un pour un la narration de Mary et la narration d’Elizabeth, l’auteur construit bien le parallèle entre ses deux personnages. Chacune a son point de vue et ses préoccupations, mais toutes les deux se heurtent à la même hégémonie du sexe masculin. Là aussi, c’est un aspect vraiment bien écrit, comme souvent chez Tracy Chevalier d’ailleurs.
Ces personnages de femmes, qui ont réellement existés, sont attachants et intéressants, sans à aucun moment sombrer dans la romance. Car oui, Mary étant une toute jeune fille d’une douzaine d’années lorsque le lecteur la rencontre, forcément, il est question de ses prétentions à l’amour et au mariage. Mais bien vite, le village entier la considère comme étrange : elle passe ses journées à la plage, le dos vouté pour chercher des fossiles. Son manque d’attraits n’étant pas compensé par une dote, elle se rend bien vite compte qu’elle ne trouvera pas chaussure à son pied parmi sa condition. Lui reste l’espoir de rencontrer quelqu’un qui partagerait la même passion qu’elle pour les curios. Mais là encore, les mœurs de l’époque empêchent toute prétention à un mariage avec quelqu’un d’une condition sociale bien supérieure à la sienne.
Ce roman sent bon la brise marine, les embruns, la poussière de roche qui détonne d’autant plus avec la vieille bourgeoisie anglaise coincée de Londres, quand notre Miss Philpot fait de petites visites à son frère et à sa famille. Je vous le recommande. Même si, comme moi, vous n’êtes pas très porté sur les fossiles, ne vous laissez pas rebuter, ce serait passer à côté d’un roman historique vraiment intéressant !
http://nourrituresentoutgenre.blogspot.fr/2012/02/prodigieuses-creatures-tracy-chevalier.html
Découvertes
En 1810 sur les côtes anglaises, sur fond de découverte scientifique, deux femmes se lient d'amitié et se battent contre un milieu dominé par les hommes et une société de classes sociales qui s'opposent. Des ambiances à la manière de Jane Austen, une campagne anglaise battue par les vents, une pointe de romantisme.
Un régal!