Biographie de Knut Hamsun
Knut Hamsun (Lom, Gudbrandsdal, 1859 - Norholm 1952), écrivain norvégien. D'origine paysanne, il exerce les métiers les plus divers dans son pays et aux États-Unis, où il passe plusieurs années. Après diverses tentatives, il obtient un vif succès littéraire avec un récit à teneur autobiographique, La Faim (1890), où il analyse les sensations d'un homme torturé par la faim. Il y expose sa poétique : rejetant toute considération de critique sociale, toute concession à l'art réaliste ou aux conceptions positivistes alors en vogue, il se tourne vers la vie inconsciente de l'âme, le rêve, le mystère.
Ce roman marque une révolution dans la littérature norvégienne. Hamsun le fait suivre de Mystères (1892), dont le protagoniste est imprégné d'esprit nietzschéen, et de Pan (1894), exaltation romantique du retour à la nature mystérieuse et secrète du Nord. En 1904, il publie un recueil de poèmes, Le Chœur sauvage, hymne à la nature et à l'amour. La trilogie romanesque qu'il entreprend ensuite (Sous l'étoile d'automne, 1906 ; Un vagabond joue en .sourdine, 1909 ; La Dernière Joie, 1912) met en scène un protagoniste dont l'individualité fortement marquée ne doit rien à la société.
L'œuvre fait néanmoins entendre une note apaisée, presque mélancolique. La Première Guerre mondiale sera dans la carrière de Hamsun une étape importante. Politiquement, il affirme des sentiments fermement germanophiles. Son aversion pour le mercantilisme de la civilisation modeme l'incline à prôner le retour à la terre. La verve satirique déjà perceptible dans Enfants de leur temps (1913) et La Ville de Segelfoss (1915) se mue en credo naturiste.
C'est le regret pour la civilisation paysanne en voie de disparition qui inspire l'une de ses oeuvres les plus célèbres. L'Éveil de la glèbe (1917), grâce à laquelle notamment il obtient le prix Nobel en 1920. La dernière grande réalisation de Hamsun est la trilogie Les Vagabonds (1927), August le marin (1930), La vie continue (1933), dont le protagoniste rappelle le Peer Gynt d'Ibsen. Au moment de l'occupation nazie, Hamsun se range du côté du régime de Quisling : accusé de trahison, il est enfermé dans une maison de santé (1945-1948), jugé et privé de ses biens.
En 1949, il écrit, en guise de plaidoyer, Sur les sentiers où l'herbe repousse.
La Faim - Knut Hamsun
Pendant près de 300 pages, on suit sur plusieurs semaines un jeune homme qui erre dans Christiana, un quartier de Copenhague au Danemark. Cet homme, dont on ne connaîtra jamais le nom, survit en écrivant quelques piges pour un journal local. La plupart du temps, il est trop pauvre pour pouvoir se nourrir ou se loger.
Il s’agit d’un roman sur l’expérience violente de la faim. Ni plus ni moins. Tout le livre reste concentré sur ce sujet, sans s’encombrer de drames ou de péripéties inutiles ; il est comme porté par lui. C’est là le véritable tour de force de l’auteur : tenir en haleine le lecteur avec un fil narratif aussi ténu, sans vraiment raconter d’histoire mais en observant les faits et gestes d’un homme privé de nourriture.
Car ce que décrit Knut Hamsun est passionnant : le lecteur suit la déchéance du personnage sur les plans moral, matériel et physique. Au fur et à mesure que la faim se fait sentir, le narrateur devient de plus en plus miséreux, forcé de mettre sur gages le peu qu’il possède ; il s’enfonce dans la folie, délire et est sujet à des hallucinations multiples ; il perd ses cheveux, subit d’affreux maux de tête et de ventre, a des insomnies ; ses sautes d’humeurs sont fréquentes, passant rapidement de la joie la plus complète à la dépression la plus noires... Bref, les multiples dégâts causés par la faim sont particulièrement bien rendus ici.
Ce qui est curieux, c’est de constater que l’homme éprouve une sorte de fascination vis-à-vis de sa décrépitude ; on a presque l’impression qu’il se complet dans celle-ci, par exemple lorsqu’il donne le peu de monnaie qu’il parvient à récolter à un inconnu dans la rue, ou alors lorsqu’il se punit lui-même pour avoir demandé des avances à son employeurs. Le narrateur semble jubiler de son état, qui lui permet de mettre à l’épreuve sa moralité et son intégrité. En véritable martyre, il prend la faim comme une épreuve par laquelle il devrait passer pour devenir meilleur. Ce processus d’auto destruction à l’oeuvre est très bien amené, assez impressionnant à lire.
C’est un roman social très dur, à peine supportable parfois tant la déchéance décrite y est violente, qu’il faut lire comme le long soliloque d’un homme fou et halluciné, pris de vertiges et tenaillé par une faim atroce qui ne pourra jamais être rassasiée.