'ai été totalement déstabilisée par l'écriture de ce roman qui, au début, aligne les actions ou les noms:
Mila a sauté du lit, s'est penchée sur le berceau, a pris le bébé dans ses bras, délicatement. Hannah a déboutonné le haut de sa chemise de nuit.
Mila est allongée dans l'obscurité, le silence, la solennité.
Je trouvais que ces phrases mettaient une distance entre les personnages et moi, distance que je n'ai jamais réussi à franchir. L'un des problèmes de ce roman est qu'il évoque une large tranche de vie en passant sous silence de très longs laps de temps.
Bien sûr, c'est le principe des sagas familiales mais ici, le roman est court et on passe sur l'enfance de la fille de Milla de manière très abrupte je trouve. Pourtant le thème de l'intégrisme religieux, ici celui de la judaïcité aurait pu m'intéresser. Ce fut un vrai rendez-vous manqué pour moi.
Il est interdit d'interdire
"Je suis interdite comme le sont mes enfants et les enfants de mes enfants, interdits jusqu'à la dixième génération."
Bien plus qu'un roman sur le hassidisme, cette histoire parle avant tout de la difficulté d'exister pour soi dans un monde régi par le dogme. Un texte profond, habité, où la liturgie juive accompagne de ses caractères sacrés le mouvement fragile des consciences oscillant sans cesse entre devoir et liberté. On écoute, bouleversé, les psalmodies et les rituels religieux rythmer les saisons de la vie, touché par l'infinie nostalgie de ces êtres en exil. On effeuille les carnets de l'intime féminin dont les désirs coupables menacent à jamais l'intégrité de la communauté, imparfaitement calfeutrée dans les replis du monde où le temps semble avoir suspendu sa course.