-
Eblouissant
-
XXe siècle
-
New York
-
Espagne
-
LOS ANGELES
-
Saul Karoo
-
Jay Cromwell
-
Leila Millar
-
Billy
-
Guido
-
Dianah
Karoo a tout pour devenir un futur roman culte, de par son histoire éditoriale insolite (l’auteur a terminé de rédiger le livre quelques jours avant sa mort) et de par son petit succès, critique tout d’abord et populaire ensuite : on le trouve même dans les meilleures ventes (catégorie Livres) d’Amazon et il est en rupture momentanée chez l’éditeur !
Karoo, c’est l’histoire d’un nègre à Hollywood qui réécrit les scénarios des autres selon les bons vouloirs des producteurs afin de les rendre plus grand public… Riche, hypocrite et salaud notoire, extrêmement lucide
sur sa propre condition, cet antihéros par excellence raconte à la première personne l’histoire de sa déliquescence (morale et physique) sur près de 600 pages avec une écriture cynique et méchamment drôle, contemplative, puissamment sarcastique. Steve Tesich, plus généralement, nous donne à voir le portrait d’une Amérique luxueuse pas belle à voir : riche, matérialiste, désabusée et sans scrupules.
Le roman, mené avec brio et virtuosité, évoque beaucoup l’expérience cinématographique grâce à construction exemplaire (en cinq actes bien distincts qui viennent structurer le récit de manière efficace : exposition et présentation du personnage principal, élément déclencheur qui vient justifier l’intrigue, mise en place du récit, développement de l’histoire, épilogue) mais aussi grâce aux personnages secondaires vigoureusement campés à dessein comme des stéréotypes : Billy, le fils en manque d’amour ; Jay Cromwell, le producteur ignoble et dégueulasse ; Leila Millar, l’actrice naïve et amoureuse, etc. L’écriture de Steve Tesich est également très visuelle ; l’auteur utilise à merveille les temps passé et présent et cette alternance rythme de manière efficace le roman, entre descriptions au long cours des événements comme une routine et représentations vives de plusieurs situations importantes qui donnent au lecteur la sensation d’être le témoin direct de l’action. Pas étonnant d’apprendre donc que l’auteur lui-même était un scénariste brillant !
Enfin, le livre est magnifique en tant qu’objet, ce qui ne gâche rien : la couverture notamment est splendide, mais aussi la mise en page, la police de caractère utilisée… Bref, c’est un très beau travail des éditions Monsieur Toussaint Louverture, à se procurer d’urgence.
Emblématique ...
Un vrai coup de coeur pour cette écriture qui questionne l'écriture, ce personnage qui met à mal la notion même de personnage, et cet auteur mort à la naissance de cette oeuvre!
Il entre parfaitement en résonance avec mon "livre préféré" à ce jour, "l'homme sans qualité" de Musil, paru en 1930 ; il en est le pendant exact transposé 65 ans plus tard, ce pourquoi il est intéressant de les mettre en perspective : on a les personnages principaux qu'on mérite!