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Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer en lisant le résumé de la quatrième de couverture, La mesure de la dérive ne se déroule pas au Libéria, mais sur l’île grecque de Santorin, où nous découvrons le quotidien de la jeune Jaqueline… Murée dans la solitude, elle vit – ou plutôt survit – avec les souvenirs de son passé, qui ont marqué à jamais son existence, essayant à tout prix de garder fierté et décence.
Au fil des pages, nous sommes entraînés dans les pensées de Jaqueline, qui tente de survivre comme elle le peut, sans aide, seule. Peu à peu, ses souvenirs
se mêlent à la réalité, les réflexions terre-à-terre de sa vie de réfugiée laissent de la place à des scènes touchantes, qui susciteront forcément de la nostalgie, tant pour l’héroïne que pour le lecteur. Et les images reviennent, toujours les mêmes ; des voix surgissent, accompagnant la jeune fille dans ses combats quotidiens… à tel point que l’on se demande si c’est la réalité ou le fruit de son imagination.
Le récit est organisé comme un flot de pensées qu’il est impossible d’arrêter, véritable stream of consciousness qui nous fait découvrir peu à peu l’existence de Jaqueline. Nous découvrons des scènes « d’avant », et des scènes de « maintenant », mais que s’est-il passé entre temps ? Qu’est ce qui a transformé cette jeune fille appartenant à un milieu privilégié en une réfugiée obligée de se cacher des autorités et de dormir en pleine nature, avec à peine de quoi se nourrir ?
Ce roman a été pour moi très dépaysant, non seulement parce qu’il fait allusion à des lieux qui me sont inconnus, mais aussi parce que c’est un genre que je n’ai pas l’habitude de lire. Pour cette raison, je ne savais pas à quoi m’attendre. J’avais peur de trouver un roman aux scènes violentes et sanglantes, assorties de trop nombreux détails historiques, mais Alexander Maksik nous offre quelque chose de tout à fait différent : l’histoire d’une seule personne – pas forcément toujours du côté des « bons » – et de ses efforts pour continuer à vivre dans le présent malgré le passé. C’est un livre extrêmement profond qui, même s’il ne contient que peu de passages explicitement violents, nous touchera au plus profond de nous.
Malgré certaines longueurs au début, j’ai passé un très bon moment. Après coup, les quelques passages qui m’ont paru un peu répétitifs dans la première partie prennent leur sens et la structure quelque peu désordonnée illustre parfaitement le flot de pensées qui habitent l’esprit de l’héroïne. Les amateurs d’action et de détails historiques à n’en plus finir s’ennuieront sans doute un peu, mais les autres se laisseront sans aucun doute séduire par cette histoire triste et touchante, qui nous laisse avec une lueur d’espoir.
Je remercie Babelio pour l’organisation des Masses critiques, car je n’aurais sinon probablement pas découvert ce roman, et les éditions Belfond pour leur confiance.
La Tamise n’est pas un long fleuve tranquille ; la vie non plus. Sonia vit en pleine ville de Londres, dans la maison de son enfance, les Berges. Vu de l’extérieur, c’est le tableau parfait de la quadragénaire simple, avec une vie réussie ; vu de l’intérieur, c’est beaucoup plus compliqué. Qu’est-ce qui pousse Sonia à retenir le jeune Jez chez elle ? La solitude ? Le besoin d’être aimée et entourée ? La folie pure ? Ou les fantômes du passé qui ne cessent de la hanter ?
Désordre est le premier roman de Penny Hancock, un thriller psychologique prenant qui nous fera
vivre le début de l’hiver à Londres, sur les bords de la Tamise. La rivière joue un rôle central dans le livre, présence menaçante pour le lecteur, mais rassurante pour l’héroïne. Elle en devient presque un personnage à part entière, tant elle prédit le danger. On le sent arriver, mais on ne peut l’éviter, car le courant nous porte inexorablement vers le désastre. C’est impossible qu’il en aille autrement, mais on ne peut s’empêcher d’espérer...
Notre protagoniste, Sonia, se livre peu à peu à nous, laissant transparaître une onde de folie que l’on essaie inconsciemment de s’expliquer. Les parties qui lui sont consacrés sont à la première personne, ce qui nous aide à entrer dans le personnage et les fréquents flashbacks, parfaitement intégrés à la trame, nous donnent envie d’en savoir plus. Peu à peu, nous découvrons les drames de la vie de Sonia, dissimulés sous des apparences parfaitement normales. C’est ce qui rend l’histoire aussi prenante : le fait qu’elle soit réaliste, qu’elle puisse se passer sans que personne n’en sache rien.
La perspective varie... Nous découvrons ainsi Helen, la tante de Jez, qui a elle aussi un rôle important à jouer. Nos deux héroïnes sont très différentes, mais toutes deux attachantes à leur manière. L’alternance de points de vue nous donne deux manières de voir les choses : la première, externe, est celle de la police et des personnes qui enquêtent sur la disparition de Jez sans avoir la moindre idée de ce qui lui est arrivé. La deuxième, interne, est celle de Sonia, qui est justement responsable de cette disparition. Ce qui est intéressant, et ajoute sans aucun doute de l’attrait et du suspense au roman, c’est que nous n’avons jamais l’avis de Jez. C’est le personnage autour duquel s’articule toute l’intrigue, mais on ne le découvre qu’à travers les yeux des autres personnages. Un choix curieux, mais indéniablement judicieux de la part de l’auteur.
Penny Hancock crée une atmosphère qui se fait de plus en plus étouffante, de plus en plus menaçante avec des descriptions très imagées. En arrière-plan, le fleuve nous accompagne, parfois calme, parfois déchaîné, au fil des courants et des marées. Le rythme fluctue lui aussi, avec un début plutôt lent pour bien poser le décor, puis une accélération progressive et une montée du suspense qui nous tiendront en haleine jusqu’aux dernières pages.
L’atmosphère est sombre et dérangeante, tout comme Sonia. Et pourtant, il semble impossible de détester l’héroïne tant le sort semble s’acharner contre elle, seule et démunie. Une détresse dissimulée sous les apparences, causée sans nul doute par les drames et désordres de sa vie passée et l’instabilité de son présent. Alors que son acte devrait susciter de la révolte ou du dégoût, c’est un mélange d’émotions contradictoires qu’éprouvera le lecteur, et ce n’est pas la fin ouverte qui résoudra ses états d’esprit.
Désordre est un magnifique premier roman. Très psychologique, il met en scène la folie d’une femme que la vie a usée. Avec ses descriptions imagées et la Tamise en toile de fond, ses protagonistes à la personnalité développée, ses changements de point de vue et sa montée de suspense et de tension, Penny Hancock nous entraîne dans une aventure londonienne haletante qui n’est finalement pas si éloignée de la réalité. Attention la folie nous guette !
Je remercie Le Livre de poche pour l’organisation du Prix des lecteurs 2014, dans le cadre duquel j’ai reçu ce roman.
Comment Sandra, jeune femme enceinte un peu perdue, aurait-elle pu se douter de ce qui l’attendait sur cette plage tranquille dans les environs d’Alicante ? Comment aurait-elle pu prévoir que les deux rencontres qu’elle fait, alors que la saison touristique touche à sa fin et que la côte se vide peu à peu, allaient changer sa vie à jamais ?
Tout à fait par hasard, Sandra se lie d’amitié avec un couple d’octogénaires norvégiens et ses liens avec eux se resserrent rapidement. Elle en vient à faire partie de leur vie, mais elle fait alors une deuxième rencontre qui va bouleverser
la première. Julián, un vieil homme arrivé tout droit d’Argentine, lui dévoile peu à peu l’horrible secret que cache le couple. Tout d’abord bien décidée à ne pas le croire, Sandra voit chaque jour de plus en plus d’indices qui l’obligent à se poser des questions... Et si Julián disait vrai, et qu’elle avait atterri au cœur d’un sombre milieu ? Et s’il était trop tard pour s’échapper ?
Dès les premières pages, le lecteur est entraîné dans l’univers sombre du nazisme ; tout le monde en a entendu parler, tout le monde pense que cela appartient au passé. Et pourtant, il arrive que le passé ressurgisse, de la manière la plus inattendue qui soit. Nous avons d’un côté l’innocence de la jeune Sandra, et de l’autre l’expérience du vieux Julián, qui a tant vécu, ou qui a plutôt survécu. L’auteur alterne les points de vue avec brio, faisant ressortir les contrastes entre les deux protagonistes, entre ce que l’un sait et que l’autre ignore, entre les apparences et la réalité.
La narration est une des grandes forces de ce roman : le lecteur peut, au fil des pages, reconstituer le puzzle grâce aux pièces disséminées dans les l’histoire. Certaines scènes sont racontées par Sandra, puis c’est Julián qui prend le relais (ou inversement), ce qui donne une lumière nouvelle aux évènements. Chaque détail a une explication et tout se met peu à peu en place. L’atmosphère devient de plus en plus lourde et de plus en plus électrique. À mesure que Sandra découvre la vérité la peur gagne le lecteur, qui se fait malgré lui plus attentif, guettant chaque indice, chaque piège potentiel. Nous voici à peine arrivés à la moitié de l’intrigue que l’environnement accueillant et tranquille du début du livre se fait hostile et menaçant. Nous en venons à douter de tout le monde, à nous interroger sur les motivations de chacun des personnages, tout comme Sandra, qui se retrouve projetée dans cette aventure sans qu’elle n’ait rien demandé à personne.
Les deux personnages principaux sont bien sûr Julián et Sandra qui, à tour de rôle, nous racontent les événements. L’avantage, c’est que nous avons ainsi deux points de vue bien différents : celui d’un vieil homme sachant parfaitement ce dont les autres personnages sont capables, et celui d’une jeune femme qui ignore tout du danger qui la guette et se laisse tromper par les apparences, comme la plupart des gens. C’est le fort contraste entre ces deux visions qui amène le lecteur à douter ; est-il vraiment possible que toutes ces personnes âgées, en apparence si serviables et aimables, soient les monstres que Julián décrit ? En toile de fond, Cara Sánchez nous fournit un certain nombre de détails historiques nécessaires à la compréhension de l’intrigue. L’information est très bien dosée et s’intègre parfaitement au déroulement de l’histoire.
À mon sens, Ce que cache ton nom est avant tout un thriller psychologique, mais aussi un roman d’apprentissage contenant une note de romance et incitant à la réflexion ; après les premiers chapitres, l’intrigue passe au second plan pour laisser la place aux personnages, à leurs sentiments et à leurs dilemmes. Faut-il dire la vérité à Sandra ? La protéger ? L’inciter à fuir ? Faut-il faire confiance à Julián et l’aider à mener à bien la mission qu’il s’est donnée ? On trouve de la haine, de l’affection, du respect, de la peur, et même de l’amour. Dans les premières pages, on pense que tout est calculé et qu’il s’agit d’un plan dont chaque détail a été mis au point pour satisfaire un besoin de vengeance qui nous paraît parfaitement compréhensible. Pourtant, de nombreuses surprises attendent non seulement le lecteur, mais aussi les différents personnages, trop sûrs d’eux pour prévoir ce qui les attend.
Ce que cache ton nom est un très bon thriller psychologique qui met en scène une intrigue inquiétante mise en valeur par de nombreuses rencontres auxquelles personne ne s’attend. Les changements de point de vue sont menés d’une main de maître, nous forçant peu à peu à nous défaire de l’innocence qui était nôtre au début du roman. Nous assistons à un combat contre le mal, un mal absolu, inimaginable, et qui pourtant se cache dans la vie quotidienne, sous des apparences tout à fait normales. On en vient à se demander... et si, comme Sandra, nous avions inconsciemment côtoyé de telles personnes ?
Je remercie Le Livre de poche pour l’organisation du Prix des lecteurs 2014, dans le cadre duquel j’ai reçu ce roman.
Alors qu’il est très facile de citer le titre d’un livre se passant pendant la Seconde Guerre mondiale, il est beaucoup moins évident d’en trouver un qui évoque les années qui ont précédé ce conflit ; c’est pourtant le cas de Dans le jardin de la bête, qui nous plonge dans la montée du nazisme à Berlin depuis l’année 1933.
Lorsque William E. Dodd accepte le poste d’ambassadeur américain à Berlin, il est loin de se douter de ce qui l’attend. N’importe qui doit avoir le cœur bien accroché pour accepter une telle mission, mais il n’est de plus pas diplomate ; très
vite, lui et sa famille se retrouvent projetés dans la vie politique du pays, cohabitant avec les nazis et les antinazis, dans un milieu de plus en plus hostile et dangereux. Aux États-Unis, on entend bien sûr parler du nazisme, mais Dodd se rendra bien vite compte que la réalité est toute autre.
Erik Larson est journaliste, ce que l’on remarque immédiatement : il s’est extrêmement bien documenté sur la période et sur le sujet et inclut dans ce roman de nombreuses citations et notes historiques très utiles pour les passionnés de cette période. Il en ressort un roman historique très complet, basé sur les notes personnelles des différents personnages que l’on apprend à connaître au fil des pages. Le lecteur découvre peu à peu la vraie nature du régime et vit de l’intérieur plusieurs évènements historiques de grande importance.
Le point fort, c’est sans aucun doute le mélange de points de vue ; l’auteur s’est servi de sources variées, ce qui nous permet d’entrevoir les difficultés de l’époque : impossible de faire confiance à qui que ce soit, impossible de dire ce que l’on pense – que ce soit en Allemagne, bien sûr, ou même à l’étranger – et impossible de ne pas se retrouver, d’une manière ou d’une autre, mêlé à tout cela. Au fil des pages, les personnages évoluent dans un monde de plus en plus dangereux, dans lequel les abus de pouvoir sont monnaie courante. Les nazis, la Gestapo, les SS, les SA, l’armée... il y a de quoi se perdre dans les intrigues...
De manière générale, j’ai eu de la peine à me plonger dans le roman, principalement en raison du grand nombre de notes de bas de page, de citations et d’explications. Il était difficile de suivre le fil, car j’avais l’impression que l’on passait d’un évènement à l’autre sans lien et qu’il y avait un trop grand nombre de digressions. Le style, très documenté, rend également les personnages peu accessibles, ce qui n’aide pas à entrer dans l’histoire.
En reprenant à posteriori mes impressions sur le livre, je dois tout de même admettre que j’ai passé un bon moment et que c’est un livre extrêmement intéressant. Je pense que ma déception est due au fait que ce n’est pas vraiment ce que j’en attendais : en réalité, c’est un roman historique bien plus qu’un thriller... Une fois l’idée acceptée, les pages se sont tournées d’elles-mêmes.
Bien que le début ait été un peu difficile, une fois que l’on s’habitue au style, on a envie de connaître la suite... qui arrive finalement trop vite. Alors que le début est très détaillé, plus on arrive vers la fin, plus les évènements se précipitent et je trouve que ce déséquilibre au niveau du rythme est dommage. Mis à part ces petits détails, c’est un roman passionnant pour tous ceux qui aiment l’histoire, car il donne d’une part un point de vue différent, et traite d’autre part une période qui est finalement peu connue.
Je remercie Le Livre de poche pour l’organisation du Prix des lecteurs 2014, dans le cadre duquel j’ai reçu ce roman.
L’image qui nous vient bien souvent à l’esprit lorsque l’on évoque la Thaïlande est celle d’une destination touristique paradisiaque aux plages de sable blanc et aux lagons turquoise. Eliot Bellay, un trentenaire français employé en télécommunications ne fait pas exception à la règle : il souhaite y passer ses vacances pour se remettre en forme après une période difficile de sa vie. Pourtant, à peine est-il arrivé à destination que les malheurs s’enchaînent et, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Eliot survit à un naufrage et se retrouve sur une plate-forme
pétrolière perdue en mer d’Andaman. Avec sept autres survivants, il se voit obligé de se débrouiller dans ce lieu hostile où les événements étranges se succèdent avec une rapidité déconcertante.
Passager vers l’enfer est un premier roman qui fait de l’effet, et on voit que l’auteur sait de quoi il parle. Tout le monde a déjà entendu parler de la Thaïlande, mais on en connaît généralement surtout les clichés. Quelle désillusion de découvrir un côté plutôt sombre de cette société : de la pollution aux problèmes sociaux en passant par l’inefficacité de la police, l’image décrite n’est pas des plus flatteuses. Pourtant, on se sent happé par ce monde si différent du nôtre, dans lequel on survit comme on peut. Loin de se perdre dans les détails, Lionel Camy nous suggère les traits principaux de l’endroit, nous laissant ensuite le soin d’en faire nos propres déductions.
Rapidement, l’univers du roman se retrouve limité à un seul endroit : la plate-forme pétrolière sur laquelle Eliot a échoué avec ses compagnons de fortune. Un lieu restreint, parfait pour un huis-clos... mais qui se révèle finalement bien plus inquiétant qu’on ne pourrait le penser : des bâtiments désaffectés aux salles de production, tout est sinistre et dangereux. On dirait que la plate-forme est hostile et ne veut pas des naufragés... qui doivent, malgré leurs différences de culture, cohabiter pour survivre.
Les personnages, justement, sont un point central de l’intrigue. Pas facile de cohabiter quand on a des habitudes et des intérêts tout à fait différents. L’auteur nous offre un panorama de cultures très diversifié: deux moines thaïs, une océanographe canadienne, un jeune allemand, un footballer albanais, un chef d’entreprise français et un vieil homme japonais et Eliot... qui se retrouvent forcés de cohabiter pour survivre ; la barrière de la langue ne leur facilite pas la tâche. Bien que parfois un peu stéréotypés, les personnages sont intéressants. Certains sont plus développés que d’autres, en fonction des affinités d’Eliot avec eux. Charlène, la scientifique, est un choix particulièrement intéressant car elle permet à l’auteur de donner, de manière fluide et naturelle, des informations utiles sur le milieu dans lequel se déroule l’histoire.
L’intrigue est relativement simple, mais la tension augmente au fil des évènements. Tout paraît s’acharner contre les personnages... si bien qu’on en vient à se demander s’il n’y a pas quelque chose de plus que le manque de chance dont ils ont été victimes au début. Bien que les scènes tragiques s’enchaînent parfois un peu trop rapidement à mon goût pour être tout à fait réalistes, on se laisse entraîner par le mystère.
Ce n’est qu’à la fin qu’une clef nous est livrée... et encore, ce n’est pas une solution absolue, mais plutôt une suggestion qui laisse de nombreux détails inexpliqués. Au lecteur, ensuite, de faire preuve d’imagination pour expliquer le mystère de la plate-forme ! La résolution, mélangeant légendes thaïlandaises, histoires politiques et sociales, donne matière à réfléchir... Et bien qu’il manque quelques contrastes, c’est un premier roman prometteur qui nous emmène en terre inconnue.
Je remercie Pascal Galodé Éditeurs pour la confiance qui m’a été accordée et le forum A&M pour l’organisation de ce partenariat. Passager vers l’enfer est un bon roman qui m’a fait passer un moment très agréable... et qui pourrait même donner des cauchemars !
Décollage pour le Nigéria, où Aurélien Molas nous plonge dans une intrigue palpitante avec, en toile de fond, les sombres évènements politiques qui ont marqué le pays entre 2003 et 2010. Lorsqu’une équipe de Médecins sans frontières procède à une mission dans un orphelinat isolé, ses membres se rendent bien vite compte qu’on leur cache quelque chose, mais ils n’ont pas le temps de s’interroger car le bâtiment est soudain attaqué : commence alors un combat sans merci qui s’articule autour d’une enfant mystérieuse, la petite Naïs, que tout le monde s’arrache.
Tel
un journaliste, l’auteur nous dépeint un paysage noir, un lieu de désolation et de corruption où les intérêts liés au pétrole déterminent tout. Les premiers chapitres posent le cadre du roman, que ce soit son atmosphère pesante, ses personnages fouillés ou le contexte géopolitique. Le point de vue change et le récit se mêle aux extraits de journaux, donnant un rythme de plus en plus soutenu à l’histoire.
Les personnages sont nombreux, mais ont tous une personnalité bien développée ; certains sont attachants, d’autres repoussants, mais il est impossible de rester indifférent. Et, bien entendu, la petite Naïs ne cesse d’intriguer. Pourquoi le gouvernement et les révolutionnaires veulent-ils à tout prix mettre la main sur elle ? On aimerait bien le découvrir, tout comme les médecins qui se sont donné pour mission de la protéger.
Les personnages principaux – Benjamin, Megan et Jacques – sont une des originalités qui font la force de ce livre. Ce ne sont pas des policiers, ni des détectives ou des journalistes, mais des médecins avec différentes motivations, partis sur un autre continent pour réaliser une mission humanitaire. Malgré leur dévouement et leur désir d’aider la population victime de malnutrition et de diverses maladies dues aux conditions de vie du pays, ils se retrouvent confrontés à une violence qu’ils étaient loin d’imaginer. Les meurtres et la corruption sont monnaie courante pour parvenir à ses fins, et personne n’est à l’abri. Au fil des pages, le lecteur découvrira une dure réalité et ressentira la même peur que les personnages.
L’intrigue est menée de manière admirable et le rythme est un parfait équilibre entre les scènes de suspense, les informations factuelles nécessaires à notre compréhension et les éléments biographiques des différents personnages. Le tout s’enchaîne naturellement, et on remarquera sans peine la qualité des recherches menées par l’auteur, qui mêle des faits historiques réels à la fiction.
L’écriture est très évocatrice et nous entraîne sur les traces des médecins, bien décidés à rendre le monde meilleur, ou au moins à ne pas laisser le mal régner. Seul petit détail que je critiquerais : le résumé de la quatrième de couverture, qui en dit trop sur les protagonistes à mon goût. Le suspense nous accompagne néanmoins tout au long de l’histoire ; nous voulons tout d’abord découvrir le secret de Naïs, puis savoir comment ce combat sans merci entre les révolutionnaires, le gouvernement et les médecins va se passer.
À mi-chemin entre un thriller psychologique, un roman géopolitique et une aventure haletante dans un pays inconnu, Les fantômes du Delta est un chef d’œuvre qu’il est impossible de lâcher avant la dernière page. La réalité à laquelle nous sommes confrontés est sombre et triste, mais on ne peut s’empêcher, aux côtés des Médecins sans frontières, de continuer à espérer. Et si, malgré le gouvernement corrompu, les multinationales qui ne pensent qu’au pétrole et les révolutionnaires désespéré, il y avait une solution pour que l’histoire se termine bien ?
Je remercie Le Livre de poche pour l’organisation du Prix des lecteurs 2014, dans le cadre duquel j’ai reçu ce roman.
Un vent de cendres est un roman qui procure des sensations fortes. Après un avis quelque peu mitigé sur le premier roman de Sandrine Collette, me voici obligée de réviser mon jugement ; peut-être est-ce dû au cadre dans lequel se déroule l’intrigue, peut-être aux personnages, au encore au final fracassant. Toujours est-il que ce deuxième roman m’a tenue en haleine jusqu’à la dernière page et que je ne suis pas prête d’oublier les surprises qui m’ont été réservées lors de ma lecture.
Tout commence lorsque Malo et sa sœur Camille arrivent en Champagne pour participer
aux vendanges. Le domaine sur lequel ils travaillent appartient à deux hommes étranges et inquiétants, Octave et Andreas, qui ont été brisés par un accident survenu des années auparavant. S’installe une relation étrange entre Octave et Camille, relation qui ne plaît pas du tout à Malo et qui suscite les moqueries de leurs compagnons de travail. Au fil des jours, l’ambiance se fait plus tendue... et l’inévitable finit par se produire. Est-il encore temps d’échapper au piège qui se referme lentement ?
Les protagonistes de ce roman sont sans conteste une de ses grandes forces. Tous sont bien développés et attachants, ou intrigants : Camille et Malo, bien entendu, mais surtout Octave, cet homme défiguré qui ne sait plus vivre en compagnie des autres. Il y a aussi la présence de Laure, tel un spectre venu hanter les lieux et l’esprit des personnages. Des liens se font et se défont entre ces derniers, laissant présager une fin qui ne sera pas forcément heureuse.
Sandrine Collette prépare bien le terrain : dans les premières pages, nous découvrons l’univers des vendanges : il nous paraissait accueillant au premier abord, mais se révèle bien vite oppressant. Petit à petit, le domaine se fait plus hostile, imperceptiblement, et des indices nous indiquent que quelque chose de dangereux menace les protagonistes. Bien que réparties en neuf jours, les différentes parties du livre sont assez inégales, tant du point de vue de l’action que de l’information transmise.
Quiconque aura lu la quatrième de couverture saura à quoi s’attendre et j’ai trouvé dommage qu’autant de détails concernant le déroulement de l’histoire aient été dévoilés. Nous connaissons donc déjà une bonne partie de l’intrigue, car la mise en place est plutôt lente, et je pense que certains lecteurs reprocheront à l’auteur quelques longueurs dans la partie centrale. Cependant, elles me paraissent nécessaires pour que l’atmosphère soit « juste » et puisse à ce point jouer avec nos peurs.
Vous l’aurez compris, le suspense n’est pas au centre du roman. Cette impression est peut-être due au trop grand nombre de détails dans le résumé et j’ai eu l’impression – sans vouloir gâcher le suspense – de souvent deviner les évènements avant qu’ils ne se produisent... Et pourtant ! La fin surprendra sans aucun doute la plupart des lecteurs. Bien malin serait celui capable de soupçonner l’horreur de cette affaire. Même plusieurs minutes après avoir refermé le livre, j’ai eu du mal à digérer. Le contraste avec le début est flagrant, et il suffit de quelques lignes pour que les pièces du puzzle s’emboîtent.
Des nœuds d’acier m’avait dérangé pour sa violence, une violence crue qui se retrouve dans Un vent de cendres, mais de manière beaucoup plus subtile, implicite, presque. Il n’y a pas beaucoup de scènes de violence, pourtant, on se sent oppressé dès l’arrivée de Malo et Camille au domaine. Je dirais sans hésiter que ce deuxième roman m’a plus marquée, plus entraînée que le premier... peut-être parce que c’est moins le mal qui se cache dans le quotidien, mais plutôt une série de malheurs qui conduit à une véritable stratégie. Cela rend la psychologie des personnages d’autant plus intéressante que l’on a l’impression de pouvoir les comprendre. Et même si on voudrait en détester certains, on n’y parvient pas.
Un vent de cendres est un très bon roman, tant du point de vue de l’intrigue que de l’écriture. Sandrine Collette fait montre de son talent pour créer une atmosphère réussie, des descriptions vivantes – surtout celles des courses-poursuites – et une intrigue terrifiant. Je recommande ce livre à tous les amateurs du thriller psychologique ainsi qu’à ceux qui apprécient des bons romans policiers, sachant toutefois qu’ils pourraient y trouver quelques longueurs.
Je termine en remerciant Babelio pour l’organisation des Masses Critiques, et les Éditions Denoël pour leur confiance. Un merci particulier à l’auteur également, qui m’a fait vivre des émotions fortes avec ce roman. Vivement le prochain !
Citrus County, Floride : une petite ville sale et perdue ; des habitants en quête de leur identité, arrivés là par un malencontreux hasard. Dès les premières pages, nous découvrons cet endroit sombre, qui semble coupé du reste du monde. Une atmosphère lugubre y règne et il n’est pas difficile de comprendre la dépression qui habite les personnages.
Tout d’abord, il y a M. Hibma, le professeur qui n’aime pas son métier et qui est tout le contraire du bon exemple à donner aux élèves. Dans sa classe, Toby, petit délinquant vivant avec son oncle dérangé, dépressif et asocial,
collectionne les heures de colle, alors que la petite nouvelle, Shelby, est bien trop intelligente pour se trouver là.
Au gré de leurs humeurs, les personnages tissent des liens, puis les défont. Dans un tel milieu, il n’est pas facile de trouver de la motivation, surtout lorsque les adultes sont aussi perdus que les adolescents et les enfants. Certains ont des rêves, la plupart se contente de survivre... en espérant que quelque chose va changer à jamais leur vie monotone. Et quand ils décident de forcer la main au destin, les choses ne peuvent que mal tourner.
J’ai été très surprise par ce roman, car il ne ressemble à rien de ce que j’ai lu auparavant. Il y a bien un peu de mystère et de tension, mais je ne l’aurais personnellement pas qualifié de « polar », et encore moins de « thriller ». Les personnages et leur environnement en sont l’intérêt principal, parfaitement indissociables l’un de l’autre. Nous suivons les actions de Toby et de M. Hibma – qui ne sont pas toujours honorables, il faut l’admettre – et tentons de comprendre comment ils ont pu en arriver là.
Leur évolution et leurs relations sont bien décrites, mais j’ai toutefois eu un peu de mal à comprendre leurs motivations. Certaines scènes m’ont paru un peu surréalistes, impression qui a peut-être été renforcée par le ton pessimiste et cynique de l’auteur. Citrus County est un no man’s land où aucun espoir n’est possible... quoiqu’on ne puisse s’empêcher d’espérer. Malgré un certain manque de compréhension des personnages, je me suis d’une manière ou d’une autre attachée à eux et même si je ne me suis jamais dit que ce livre était extraordinaire, je ne peux pas nier que je l’ai beaucoup apprécié.
Citrus County est, à mon sens, plus un roman sociologique qu’un véritable polar ; je dirais même qu’il s’agit d’un roman sociologique noir, dans lequel nous voyons les personnages se débattre, impuissants, dans un environnement oppressant et lugubre. Bien que ne comportant que peu de suspense, on se laisse facilement entraîner par les aventures quotidiennes des protagonistes. Et la question transparaît dans chaque scène, dans chaque dialogue : basculeront-ils du côté du mal, ou du côté du bien ? Et dans un lieu comme Citrus County, cette distinction existe-t-elle vraiment ?
Je remercie Le Livre de poche pour l’organisation du Prix des lecteurs 2014, dans le cadre duquel j’ai reçu ce roman.
On the Isle of Lewis, in Scotland, a man is found hanging in a boatshed. When it turns out that it was not suicide and that a connection is made with another murder committed in Edinburgh a few months earlier, Fin Macleod is sent to investigate. His superiors have decided that it is the right moment for him to go back to work after the tragedy that affected his life. Since he grew up on Lewis, his background can only be of help to the investigation... apart from the fact that Fin took the fist opportunity to leave the island and not return...
After a rapid, short beginning with a vivid description
of the crime scene, the pace slows down to enable the reader to discover the surroundings. Peter May draws us into the strange atmosphere of Lewis Island, its strong traditions – especially that of gannet hunting – and way of life... It is Scotland, but life there is somehow completely different from life on the mainland; progress is slow and there are few opportunities for the inhabitants. It is a strange feeling that we can experience in the first chapters already. There seem to be a clear difference between the people of the island and those of mainland Scotland; between the people who have been living their whole lives on Lewis and those who, like Fin, left and did not come back...
As the investigation goes on, we learn more about Fin’s childhood. It was hard to leave, but it is even harder to forget. Sometimes, it is a place which brings back his memories; sometimes it is a person he knows... One chapter tells us about the past, the next one about the present. This makes the development of the plot extremely interesting and balanced, and the shift of tenses in the writing helps us understand the chronology correctly.
Peter May’s style is nice and easy to read. He changes from poetic descriptions to detailed scenes of action, keeping a good amount of suspense until the very end, when everything finally comes together.
Quickly, we grow attached to the characters or, on the contrary, start to hate them. Many of them are described in the past as well as in the present, which makes it all the more interesting as we can see how they have evolved through the years. Their personality is built little by little and we are invited to make our own assumptions of who the murderer is... which is not an easy task.
The plot itself first seems easy, but it soon turns out to be rather complex and full of unexpected twists and turns. This seemingly stereotypical and simple society will probably surprise most of the readers by its silence and secrets. Many might find the end a little confusing at first sight, because everything suddenly happens so quickly; it is difficult to realise that the story is over – already.
The Blackhouse is an amazing crime book which kept me enthralled all through the pages. I liked the characters, I liked the – sometimes dark – Scottish scenery, I liked the plot and, above all, I liked the atmosphere which accompanies the characters through the plot... I am looking forward to reading the next two books of the Fin Macleod’s series, The Lewis Man and The chessmen.
Une intrigue palpitante sur fond de guerre civile
Carrickfergus, 1981. Un homme est retrouvé mort dans sa voiture, une main coupée. Quelques jours après, un second meurtre survient, laissant penser à un tueur en série prenant pour cible des homosexuels. Le sergent Sean Duffy, policier catholique en milieu protestant, est chargé de l’enquête, qui se révèle bien plus délicate que prévu… Il faut dire que dans une Irlande du Nord ravagée par la guerre civile, la tension est à son comble.
Adrian McKinty nous propose un roman policier haletant, avec en toile de fond les évènements historiques ayant marqué l’Irlande du Nord. Des politiques de la Dame de fer aux grèves de la faim des opposants au gouvernement, on se représente facilement l’environnement dans lequel se déroule l’enquête, ajoutant de la tension et du danger à l’intrigue. Il est en effet plutôt inhabituel de rencontrer un héros ayant à se demander la plupart du temps s’il a affaire à des personnes catholiques ou protestantes, et forcé de vérifier à chaque sortie s’il n’y a pas une bombe sous sa voiture.
Sean Duffy est un personnage très attachant, dont la psychologie est très développée. Il n’a rien du policier stéréotypé et sa jeunesse ainsi que son manque d’expérience le rendent très intéressant. C’est grâce à lui que nous suivons le fil de l’enquête, rencontrant avec lui des personnages importants, tant du point de vue de l’enquête que du point de vue historique.
L’intrigue en elle-même est bien ficelée, et bien malin serait celui qui arrive à trouver le fin mot de l’histoire avant la dernière page. D’un possible tueur en série aux intrigues du gouvernement, en passant par une disparition inexpliquée, les pistes sont nombreuses et il n’est pas facile de savoir lesquelles valent la peine d’être suivies. Les personnes assassinées étaient-elles des indicateurs exécutés par l’IRA ? ou des homosexuels, illégaux dans ce pays aux fortes traditions anciennes ? ou l’affaire est-elle bien plus compliquée encore ?
À mon sens, le point fort de ce livre est la période et l’environnement particuliers dans lesquels il se déroule. Dans un milieu si imprévisible et difficile à comprendre, les règles habituelles ne s’appliquent pas. Je pense toutefois que quelques connaissances de base de la guerre civile d’Irlande du Nord sont nécessaires pour pouvoir apprécier pleinement la lecture – en raison, notamment, du grand nombre de groupes et de milices, tantôt catholiques, tantôt unionistes, qui peuvent prêter à confusion si on n’en a jamais entendu parler.
Comme il s’agit du premier tome d’une trilogie, le lecteur assiste à la mise en place du contexte historique et des personnages, qui seront sans aucun doute développés par la suite. L’enquête passe, par moments, au second plan, ce qui nous permet d’en apprendre plus sur la vie privée de Sean Duffy et sur les émeutes, les attentats, le racket, les alliances entre les différents groupes et autres évènements prenant place dans le pays..
En conclusion, Adrian McKinty nous live ici un premier tome prometteur à l’ambiance noire et au goût de danger. Dans un pays détruit par la guerre civile, on ne mène pas une enquête de manière habituelle ; il y a bien plus de facteurs à prendre en compte, ce qui fait que le contexte et l’intrigue sont indissociables. À lire pour tous les amateurs de fiction historique et de romans policiers à suspense !
Je remercie Le Livre de poche pour l’organisation du Prix des lecteurs 2014, dans le cadre duquel j’ai reçu ce roman.