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Dès le début du livre, on en connaît l'issue, la mort de Paz, la femme aimée.
César s'adresse à son fils, Hector, âgé de quatre ans, à qui il raconte sa rencontre avec sa mère, leur relation et qui était cette femme.
Leur relation avait débuté par un malentendu. Journaliste, il avait rédigé un article sur son travail de photographe. Dans ses clichés de plage, il voyait la vie, là où elle voulait exprimer tout le contraire.
Des différences fondamentales de perception ponctueraient constamment leur vie commune.
Elle était jeune, énergique, déterminée et avait
soif de découvrir le monde.
Lui avait déjà connu le grand frisson du reporter. Il avait parcouru le monde et aspirait à une vie plus sédentaire et moins risquée. Il s'épanouissait dans son milieu parisien branché, au milieu des soirées, réceptions, expositions culturelles et artistiques, d'un monde un peu nombriliste et artificiel.
Comme Paz, j'ai eu envie de fuir ces soirées et cette vie. Les digressions sur l'art et les considérations sur la vieille Europe m'ont un peu assommée et si le style ne m'avait pas retenue, je n'aurais peut-être pas poursuivi ma lecture.
Mon attention s'est réveillée au moment où César embarque, dépassant ses phobies de quitter l'Europe, pour l'Arabie Saoudite où le corps de Paz a été retrouvé et où il va essayer de comprendre ce qui s'est passé et ce que sa femme était venue chercher.
Finalement, j'ai plongé en apnée dans les derniers chapitres qui m'ont fait rapidement oublier l'ennui qui s'était abattu sur moi vers le milieu du livre.
En conclusion, un avis en demi teintes: un début vif et captivant, une fin palpitante mais je pense que le roman aurait gagné à ce que la partie centrale soit allégée.
Un grand merci aux Jeudis Critiques et à Entrée livre pour ce partenariat.
Pedro menait une vie de bohème. Il était comédien. Mais un jour la vie a cessé de lui donné la réplique et il s'en est allé, de la pire des manières pour ses deux amis. Il s'est suicidé.
Avec l'Estropié et le narrateur, ils formaient un trio qui semblait inséparable. et pourtant ces deux là n'ont rien vu venir.
Le narrateur cherche à comprendre ce qui leur a échappé, un signe qui aurait pu les alerter, à travers leurs échanges, mais aussi les silences de leur ami.
Il convoque les souvenirs en quête de ce qu'il n'a pas su entendre ou de ce que Pedro n'a pas su exprimer.
Il nous raconte ce qu'a été leur vie dans le quartier pauvre de Peau-Noire, où Pedro déclamait des vers de Baudelaire, Apollinaire, Villon ou Pessoa à ceux qui voulaient l'entendre et aussi à ceux qui ne voulaient pas. Parce qu'il faisait descendre la poésie dans la rue.
La poésie était pour lui une respiration qu'il tentait d'insuffler aux passants, aux gamins des quartiers déshérités de Port-au-Prince. Et quand il cessera de respirer, ce sont ces enfants qui lui rendront le plus beau des hommages, dans une scène finale éblouissante.
Mais ce livre n'est pas seulement un livre sur l'amitié et le suicide, c'est aussi une immersion dans les quartiers populaires d'Haïti où on croise d'autres cabossés de la vie, comme Madame Armand ou Altagrace, personnages secondaires mais oh combien intéressants.
"Dans la vie comme dans les romans, qui s'inquiète des tragédies qui hantent les petits destins des personnages secondaires?"
Et finalement, s'il y a une leçon à tirer de cette histoire, c'est celle-ci:
"Les vivants aussi méritent notre attention. Encore un paradoxe, cette maladie de n'écouter que les morts. Une personne se tient au bord de la falaise. Nous parle. Personne ne l'entend. Elle tombe. C'est alors seulement que le cri, dont il ne reste que l'écho, nous intéresse, pas besoin d'exégèse."
Lyonel Trouillot a écrit ce livre suite au suicide de son ami, le comédien haïtien Karl Marcel Casséus, même s'il prévient "cette oeuvre de fiction ne raconte pas sa vie. Ni sa mort."
Ce roman profondément humain et d'une très belle écriture est mon premier coup de coeur de cette rentrée littéraire.
Confiteor de Jaume Cabré
Difficile de présenter ce monument de 770 pages que son auteur a mis huit années à écrire et qui est extrêmement riche et assez complexe.
Je sais que ces quelques lignes seront forcément incomplètes et n'aborderont que quelques aspects de ce roman, mais j'espère qu'elles vous inciteront à le lire, même si cela nécessite une certaine attention, le style et la construction étant assez déconcertants au début.
Mais, persévérez, vous serez récompensé de vos efforts.
Confiteor signifie je confesse en latin.
C'est la confession que le narrateur, Adrià Ardevol, au soir de sa vie, adresse à la femme aimée, avant que sa mémoire s'efface, alors que la maladie le gagne et que son esprit devient confus.
Le livre commence ainsi:
"Ce n'est qu'hier soir, alors que je marchais dans les rues trempées de Vallarca, que j'ai compris que naître dans cette famille avait été une erreur impardonnable. Tout à coup, j'ai vu clairement que j'avais toujours été seul, que je n'avais jamais pu compter sur mes parents ni sur un Dieu à qui confier la recherche de solutions, même si, au fur et à mesure que je grandissais, j'avais pris l'habitude de faire assumer par des croyances imprécises et des lectures très variées le poids de ma pensée et la responsabilité de mes actes. Hier, mardi soir, en revenant de chez Dalmau, tout en recevant l'averse, je suis arrivé à la conclusion que cette charge m'incombe à moi seul. Et que mes succès et mes erreurs sont de ma responsabilité. de ma seule responsabilité. Il m'a fallu soixante ans pour voir ça. J'espère que tu me comprendras et que tu sauras voir que je me sens désemparé, seul, et que tu me manques absolument. Malgré la distance qui nous sépare, tu me sers d'exemple. Malgré la panique, je n'accepte plus de planche pour me maintenir à flot. Malgré certaines insinuations, je demeure sans croyances, sans prêtres, sans codes consensuels pour m'aplanir le terrain vers je ne sais où. Je me sens vieux et la dame à la faux m'invite à la suivre. Je vois qu'elle a bougé le fou noir et qu'elle m'invite, d'un geste courtois, à poursuivre la partie. Elle sait que je n'ai plus beaucoup de pions. Malgré tout, ce n'est pas encore le lendemain et je regarde quelle pièce je peux jouer. Je suis seul devant le papier, ma dernière chance."
Au milieu d'une suite de tableaux de sa vie jaillissent des éclats de l'Histoire de l'Europe, à travers ses pages les plus sombres, de l'Inquisition aux camps nazis en passant par le franquisme. Ces scènes en apparence décousues convergent peu à peu.
Le personnage central est un violon d'un son et d'une valeur exceptionnels, un Storioni fabriqué en 1764, qui cristallise toutes les convoitises et autour duquel se rassemblent beaucoup de pièces du roman.
Le récit ne suit aucune chronologie. C'est un va et vient à travers le temps, les lieux et les personnages. Parfois au sein de la même phrase, on glisse de l'un à l'autre, on passe du présent à 300 ans en arrière, à un moment le grand Inquisiteur devient le responsable du camp d'Auschwitz, souvent le narrateur s'exprime indifféremment à la 1ère ou à la 3ème personne.
Mais à travers cette apparente confusion, il y a toujours un fil conducteur qui est l'expression du Mal.
C'est aussi une réflexion sur la culpabilité, le pardon, la rédemption et la place de l'art dans un monde où l'inhumain est toujours présent.
Et c'est une très belle histoire d'amour malgré TOUT, à vous de découvrir ce "tout".
Jaume Cabré est également scénariste et j'imaginerais bien Confiteor porté à l'écran.