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Dans « 96 heures », Christophe Gavat racontait sa mise en examen dans ce que l'on a appelé « l'affaire Neyret ». « Flic un jour, Flic Toujours » est écrit au moment où Christophe Gavat prend la décision de se mettre en disponibilité de la police. « Besoin de prendre de la distance avec ce métier que j'ai tant aimé ».
Seulement, quand ce métier est votre passion, on ne s'en détache pas aussi facilement et il revient vite à vous : « Flic un jour, Flic Toujours ».
Aussi, certains souvenirs de sa carrière sont relatés. Les amis, les collègues et les affaires marquantes
(« étonnantes, drôles parfois, douloureuses souvent »). Mais cette prise de distance permet à Christophe Gavat de confier son analyse sur l'évolution du regard de la société sur la police, sur les institutions policière et judiciaire. La critique d'un système qui dérive vers une recherche du chiffre, des statistiques (qui peuvent tout et rien dire) et qui progressivement écarte l'humain.
Face à tant d'expériences relatées, la correctrice de son livre lui dit spontanément « Vous avez vécu mille vies ! ». Et Christophe Gavat de terminer sur ces mots : « Non, pas mille vies. Une seule mais de flic. Faite de milliers de rencontres. L'homme dans toute sa splendeur ou sa misère. Avec ses failles et ses doutes. Sa générosité et ses excès.
Je n'en regrette aucune.
Même les plus douloureuses.
Elles font toujours avancer ».
Nous sommes aux États-Unis, nous suivons deux survivants hantés par la guerre en Amérique centrale qui se retrouvent à Merlow City, ville-campus du Wisconsin.
Le premier s’appelle José Zeledón homme d’action qui enchaîne différents boulots notamment chauffeur de bus scolaire.
Le second, Erasmo Aragón est professeur d’espagnol, complètement paranoïaque, égoïste et obsédé sexuel.
On suit donc leur existence à Merlow City où, mise à part la faculté, il n’y a rien. D’ailleurs, les deux personnages souffrent terriblement de la solitude dans cet environnement et dans
leurs métiers respectifs. Dans ce roman, nous assistons à ce quotidien pesant et solitaire durant une année qui s’écoule de août 2009 à août 2010.
Hormis leur passé de guérilleros, presque tout sépare José et Erasmo. Ils ne vont jamais s’adresser la parole, ils ne vont que s’apercevoir mais pourtant leurs destins vont finir par se croiser à Chicago.
Avec un grand talent d’écriture, l’auteur nous fait rentrer dans la psychologie de ses personnages. Roman sombre et drôle à la fois, délivrant une critique très acide de l’Amérique et de nos sociétés de contrôle et de surveillance.
« La laïcité falsifiée » de Jean Baubérot est une étude, claire et synthétique, qui effectue une remise à plat, nécessaire, de la laïcité.
Originalement considérée comme un principe de la gauche, elle est depuis quelques temps instrumentalisée par l'extrême droite. L'un des exemples les plus frappants se trouve être « l'affaire » des prières dans la rue.
Marine Le Pen a lancé le débat de manière erronée et provocante en la comparant à « l'occupation » et en gonflant les chiffres. La « cécité chronique et dangereuse de la classe politique » a fait le reste.
Dans la réalité, moins d'une dizaine de cas de prières de rue sont référencés (dus essentiellement au nombre insuffisants de mosquées et de salles de prières en France).
Malheureusement, l'imaginaire collectif prend le pas sur la raison. L'effet inflationniste est sidérant. Les personnes interrogées évaluent en moyenne le nombre de lieux où ont lieu les prières de rue à 185 ! Ce nombre s'avère être le reflet d'un débat politique et social qui tend à se focaliser sur la mise en cause de l'islam et des musulmans.
Ce débat résulte de cette « nouvelle laïcité », défendue par l'UMP et le FN, qui s'affirme l'héritière de la loi de 1905. Seulement, cette dernière est totalement mésinterprétée. Comme l'écrit Jean Baubérot, « dans un même mouvement, on la sacralise et on la méprise, on lui fait dire souvent le contraire de ce qu'elle a dit – sorte de viol symbolique ».
Cette « nouvelle laïcité » tend à restreindre celle-ci à la seule liberté religieuse. C'est omettre que la loi de 1905 entendait également la liberté de conscience, notion bien plus large puisqu'elle « assure les droits des citoyens » et « garantit le libre exercice des cultes ».
D'autre part, une formule souhaite enfermer la religion dans la seule sphère privée. « Cette affirmation est à la fois exacte et fausse. »
En effet, la religion n'est pas affaire d’État, elle n'est pas une institution publique. Elle est une affaire personnelle, libre et volontaire. La religion n'a donc aucun caractère officiel. Toutefois, la liberté de conscience et le libre exercice des cultes donne la possibilité de « manifestations extérieures sur la voie publique ».
Sans l'idéaliser, la loi de 1905 a instauré avant tout « une laïcité de liberté et de raison ». Dans l'imaginaire assez répandu, les lois scolaires puis la loi de 1905 auraient été imposées avec une certaine rigueur dogmatique.
Pourtant, les travaux des historiens démontrent une réalité plus pragmatique. Dans les écoles, notamment, les instituteurs « ont souvent été des passeurs entre deux cultures ». Il en a été de même concernant le retrait des crucifix. La pratique républicaine a davantage été le résultat de « compromis et d’accommodements », on est bien loin du « modèle républicain intégriste qu'on s'est remis aujourd'hui à vanter ». D'ailleurs, Jean Jaurès et Léon Blum ont misé sur cette laïcité qui privilégie la liberté.
Actuellement, la « nouvelle laïcité » est au pouvoir parce que les gens, élites comprises, « pensent majoritairement la laïcité dans le cadre d'une culture télévisuelle » : « Le monstre doux ». On est face à un « objet construit de toutes pièces, qui brouille la distinction entre réalité et fiction ». La chose est particulièrement frappante dans l'affaire du foulard. Comme l'explique Jean Baubérot, les partisans de la tolérance ont « perdu la bataille iconographique ». C'est l'image qui guide l'opinion, les médias sélectionnent les photos chocs afin de provoquer la peur et … l'audience. L'actualité telle qu'elle est présentée à la télévision est loin d'être le reflet de la réalité puisqu'elle obéit avant tout aux lois de la « chose à voir ».
La grande réussite de la loi de 1905, c'est l'instauration de « l'équilibre entre le souci de l'individu et les besoins du collectif ». La meilleure manière de bloquer la société consiste à vouloir appliquer, à la lettre et sans aucun discernement, les lois et les règlements.
La laïcité, à l'image de l'application de la loi de 1905, prend sa pleine mesure lorsque comme le roseau, elle se plie mais elle ne rompt pas malgré les tempêtes. C'est là que peut résider sa réussite.
Écrit par l'un des plus grand spécialiste du fascisme, on ne peut que recommander la lecture de cet ouvrage.
Pierre Milza déjà auteur de plusieurs études sur le sujet (Le fascisme italien avec Serge Berstein et une biographie de Mussolini qui est une référence au-delà des Alpes) s'intéresse ici aux fascismes.
Il s'agit ici de définir précisément ce phénomène politique. L'étude débute ainsi à la fin du XIXe siècle puisque les fascismes "plongent [...] leurs racines dans une histoire moins immédiate qui est celle des sociétés européennes, confrontées aux bouleversements
de la seconde révolution industrielle".
Si cette analyse s'intéresse davantage au fascisme italien et au national-socialisme, elle propose également une étude du phénomène politique à l'international. Notamment en France où Pierre Milza répond aux thèses avancées par l'historien Zeev Sternhell dans son ouvrage "Ni droite, ni gauche".
De cette étude, il en ressort que le fascisme est né et s'est développé grâce aux difficultés économiques et sociales, de la destructuration des sociétés traditionnelles, l'incapacité des élites à intégrer les masses, l'absence de tradition démocratique, le traumatisme de la Première Guerre Mondiale et de la Révolution d'Octobre.
Une étude brillante que je vous recommande fortement tant le travail de Pierre Milza est clair et écarte brillamment tous les a priori : "Contentons-nous d'appeler les choses par leur nom, le respect de la personne humaine et la démocratie n'ayant rien à gagner aux amalgames et à la confusion verbale. Ce livre n'a pas d'autres ambitions".
Spécialiste du fascisme et auteur d'une biographie de Mussolini qui fait aujourd'hui référence, Pierre Milza (Professeur émérite à Sciences Po) s'intéresse dans cet ouvrage aux dix-sept rencontres qu'ont eu Mussolini et Hitler de juin 1934 à juillet 1944. De ces entretiens, il reste les procès verbaux mais, du fait des modifications subies, ils n'apportent pas les informations les plus importantes. Aussi, comme l'explique l'auteur, ce sont davantage les sources « secondaires » (les mémoires) qui vont permettre de saisir dans les moindres détails le déroulement de ces réunions. Cet ouvrage se donne donc comme objectif « de mieux comprendre comment deux personnages aussi dissemblables ont pu développer et entretenir, jusqu'à la fin de leur vie, une complicité dans le crime le plus monstrueux qu'ait connu l'histoire et l'humanité ». Très agréable à lire, Pierre Milza nous retranscrit très clairement le déroulement des réunions où les protagonistes doivent supporter pendant deux heures les longs monologues de Hitler. L'auteur prend également soin de résumer pour chaque rencontre le contexte (politique, militaire) dans lequel celle-ci a lieu. Aussi, ce livre permet d'avoir un éclairage sur la relation entre les deux dictateurs qui vient s'ajouter aux biographies de référence existantes comme celle de Ian Kershaw pour Hitler.
L'Histoire ne se répète jamais à l'identique et force est de constater, écrit Philippe Corcuff, qu'il flotte dans le climat actuel des effluves des années 30. Si tout n'est pas identique, le maître de conférence en Sciences Politiques perçoit « des affinités périlleuses avec des moments sombres de notre histoire" qui "donnent corps à un nouveau "postfascisme" ». On assiste actuellement à l'émergence d'un néoconservatisme xénophobe-sexiste-homophobe-nationaliste dont les représentants les plus médiatiques ou les plus suivis sur Internet ne sont autre que Zemmour et Soral.
Paradoxalement,
ce sont ces personnalités « médiatiques » qui s'affirment « tyrannisées » par le « politiquement correct ».
Selon Philippe Corcuff, le risque « postfasciste » se trouve renforcé par « des interférences et des parasitages dommageable au niveau intellectuel venant de la gauche ». Il faudrait alors tendre vers une « éthique de la responsabilité » des intellectuels de gauche dans l'acceptation de Weber. Puisque ceux-ci sur certains aspects font involontairement le jeu du néoconservatisme. C'est notamment le cas avec la laïcité où « les usages laïcards, à l'extrême droite, à droite et même à gauche, du bel idéal de laïcité (séparation des pouvoirs politiques et religieux, ainsi que garantie de la liberté de croyance et d'incroyance) ont contribué à l'extension de l'islamophobie ».
On se trouve donc en présence d'un courant de pensées qui souhaite « une homogénéité mortifère sociale », « d'entrepreneurs d'une identité fermée » alors que « chaque individu se présente comme une unicité métissant des ressources et des appartenances collectives diverses ».
Peut-être comme l'écrit Philippe Corcuff que les solutions peuvent se trouver dans la relance d'un Internationalisme populaire.
Un pamphlet très intéressant.
La démarche de Ian Kershaw dans « Qu’est-ce que le nazisme ? » a été de tenter de dégager un certain nombres de problèmes d’interprétations qui surgissent lors de l’étude du nazisme et qui divisent les spécialistes de ce régime. Autour des thématiques qui suscitent les controverses, l’auteur résume les différentes interprétations et expose son opinion sur ces questions. Dans cet ouvrage, Ian Kershaw rend bien compte de la difficulté à laquelle se trouvent confronté les historiens qui ont pour objectif d’expliquer le passé mais qui se trouvent ici confrontés à un « phénomène qui semble dépasser toute analyse rationnelle ». Toutefois, cette étude est indispensable puisque, par ses apports, elle permet de lutter contre un retour du fascisme, comme l’écrit l’auteur : « Le savoir vaut mieux que l’ignorance ; l’histoire, que la légende. Autant de vérités d’évidence qui valent d’être rappelées lorsque l’ignorance et la légende engendrent l’intolérance raciale et favorisent le retour des illusions et inepties du fascisme ».
En 2009 est publié « Le Métronome » de Lorànt Deutsch, celui-ci rencontre un succès aussi bien commercial que médiatique. Tout le monde salue alors le travail de vulgarisation d’un passionné d’histoire.
Pourtant, le livre de l’acteur révèle de nombreuses erreurs et des déformations des faits. Là où il aurait pu s’agir que de méprises, on s’aperçoit rapidement que celles-ci servent une idéologie. Ce sont ces mensonges volontaires que les trois auteurs des « Historiens de garde » analysent et démontent un à un avec des preuves à l’appui.
Seulement, comme le montre
le livre, le « Métronome » n’est pas un cas à part. Les thèmes avancés par Lorànt Deutsch sont repris par des journalistes (Eric Zemmour, Stéphane Bern, Jean Sevilla), des hommes politiques (Patrick Buisson qui a écrit avec Lorànt Deutsch le « Paris de Céline ») et des historiens (Franck Ferrand, Dimitri Casali, Max Gallo). Tous défendent une vision de l’histoire stéréotypée aux valeurs nationalistes.
Ceux-ci se présentent comme des historiens hors système, mais étrangement, ils disposent d’une grande influence et d’une grande visibilité auprès des médias et des pouvoirs publics. C’est donc logiquement qu’ils s’opposent aux programmes scolaires. Ils veulent une histoire uniquement centrée sur la France et s’opposent donc au programme scolaire dans lesquels les histoires de l’Afrique, de l’Inde et de l’Asie sont abordées.
Ainsi, comme l’explique le livre, les « historiens de garde » souhaitent le retour du « roman national ». D’après ses défenseurs, ce dernier est un moyen pour résoudre la « crise profonde dans laquelle se trouve la France », « il faut revenir à une identité figée justifiée par une histoire figée. »
Les trois auteurs de l’ouvrage s’opposent à cette vision de l’histoire. Ils exposent la situation au public et ouvrent le débat.
En Israël, au Sud du Lac Tibériade, Stepan vit seul dans sa maison près de la forêt avec sa vieille chienne. Son fils Yankel a dû fuir en Nouvelle-Zélande. Tous les jours, Stepan rêve de ce pays. En espérant un jour pouvoir rejoindre et revoir son fils, il fabrique des boites en carton, un travail répétitif et éprouvant pour ses yeux. Les jours se suivent inlassablement pendant plusieurs années. Mais la solitude et la monotonie quotidiennes se retrouvent quelques peu chamboulées par les visites d’un jeune garçon venant de Beit Zera.
D’une écriture épurée, Hubert Mingarelli
nous livre une histoire toute en finesse et en sensibilité. La Route de Beit Zera fait partie des romans qu’il faut absolument lire mais qu’il est bon de relire tant les thématiques abordées poussent à la réflexion : les liens père-fils, la communication mais surtout l’impuissance de l’homme face au temps qui passe.
Hagakure
Parler de l’Hagakure, c’est tout d’abord parler de son histoire et de ces enseignements qui ne devaient, à l’origine, ne pas être connus du public.
Ecrit au début du XVIIIe siècle, l’Hagakure contient les enseignements et les pensées d’un Samouraï devenu moine : Yamamoto Tsunetomo. Ce dernier dicta, à un scribe du nom de Tashiro Tsuramoto, un ensemble de « treize cent maximes, préceptes, leçons, épisodes historiques et rapports divers, pour la plupart étroitement liés à la voie du samouraï ». Son contenu n’était pas destiner à être diffusé au public. C’est Tashiro Tsuramoto qui décida de compiler ces sept années d’entretiens et les distribua aux samouraïs de la région de Saga.
Le Hagakure (que l’on peut traduire : « caché derrière les feuillages ») resta ainsi secret pendant plus de 150 ans. Il ne fut connu du public que durant l’ère Meiji (qui débute en 1868), période à laquelle il fut pour la première fois imprimé.
Le manuscrit original n’a jamais pu être retrouvé, seules circulent des copies qui toutes diffèrent les unes des autres. Chacune avec leurs omissions et leurs ajouts.
Paradoxalement, Yamamoto Tsunetomo dicta ses enseignements dans une période où les samouraïs étaient beaucoup moins confrontés aux combats. Pourtant, ce qui ressort de l’Hagakure c’est bien une philosophie centrée sur la mort comme en témoigne le premier précepte de l’ouvrage :
« J’ai découvert que mourir est au cœur du bushido. Lorsque confronté à deux alternatives, vivre ou mourir, il nous faut choisir la mort. Il n’y a rien là de bien difficile ; il suffit d’être résolu et d’aller de l’avant ».
Toutefois, il serait réducteur de résumer l’Hagakure à cette simple phrase. En poursuivant la lecture, on comprend rapidement que cette phrase n’implique nullement une mort aveugle. Mais c’est bien l’interprétation extrémiste (durant les années 30 et, plus tard, par l’auteur Yukio Mishima) de ce principe qui a fait que l’ouvrage fut condamné avec véhémence au Japon.
Au contraire, d’autres personnes voient plutôt dans cette centralité de la mort et de son éminence, une philosophie de l’art de vivre. Aussi, l’interprétation de l’Hagakure change suivant les « époques, les conditions sociales et politiques et bien d’autres facteurs ».
Il faut surtout étudier et lire ce livre pour ce qu’il est réellement. Celui-ci dépasse les clivages politiques, il est un guide pratique et spirituel pour les guerriers désirant suivre la voie du samouraï. Tel qu’un ancien samouraï du XVIIIe siècle la percevait.