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Je ne les avais pas lues, ces chroniques, à l'époque de leur sortie. J'étais passé à côté de leur première publication en livre. Et voilà que le récit du procès des attentats terroristes du 13 novembre 2015 à Paris sort en format poche.
Je le prends, j'ouvre les premières pages, je m'engouffre – car c'est dans un gouffre que l'on plonge dès les premières lignes de ce récit mené d'une main de maître tel un roman à suspense : dès le début, on est happé par la force, la précision, l'intelligence du texte. Mais aussi, et surtout, par la puissance émotionnelle de l'expérience
qu'il nous raconte.
Un texte bouleversant à l'image de la bouleversante réalité qu'il essaie de nous transmettre. Jamais manichéen, il nous jette au visage la face troublante, virevoltante, multiple de l'humain.
Mettrons-nous jamais un terme à la bêtise humaine ? J'en doute.
En attendant, en espérant ce jour improbable, replongeons dans ce classique de la littérature tchèque, suivons ce brave et stupide soldat qui ne jure que par l'ordre, celui de la Patrie, notamment. (De quoi se demander : l'ordre, patriotique, religieux, scientifique, économique, sociétal, n'amènerait-il pas, invariablement, à la guerre, et donc, au plus grand désordre qui soit ? Ŝvejk ne serait-il pas un miroir reflétant la stupidité générale, celle de toute une société ?)
Par ces jours de menaces rampant
de tous bords, ce roman, tout en dénonçant notre passé de bêtises et d'horreurs, tout en nous amusant, et en suscitant la pensée, nous éclaire sur notre présent – fait, lui aussi, de bêtises et d'horreurs.
Devant la complexité de l'Histoire, et les questions qu'elle nous pose, nous avons tendance à trouver des réponses plutôt simples et manichéennes : le Bien contre le Mal, la Civilisation contre la Barbarie.
Mais que dire des rapports entre Voltaire et l'impérialisme, le siècle des Lumières et l'Holocauste, la modernité et le révoltes de tous bords, Bakounine et les terroristes contemporains ?
Dans cet essai d'une érudition à couper le souffle, d'une clarté et d'une rigueur sans reproches, l'auteur, en balayant deux siècles d'histoire et tous les continents, nous délivre
une réflexion aussi éclairante que novatrice sur les violences contemporaines.
Pour toutes celles et ceux qui s'inquiètent des et veulent comprendre les dérives extrêmes – nationalistes, identitaires, sexistes, suprémacistes, djihadistes – qui menacent de partout la vie en société.
On est en pleine guerre, et ce « dieu gavé de sang » n'épargne personne : comme toute guerre, celle-ci est sanglante.
Mais au-delà de la dénonciation de cette « épouvantable machinerie », nous voilà face à un grand, très grand roman !
À travers une écriture plastique et cinématographique d'une efficacité rare, on fait corps avec un jeune soldat pris par les événements et combattant deux farouches ennemis : l'armée d'en face et – le pire – sa propre conscience.
Troublant !
On connaît tous la pièce iconoclaste de Jarry, mais connaissons-nous l’œuvre immense de ce franc-tireur des lettres françaises ?
Poésie, proses diverses, romans, almanachs, dessins, on retrouve dans ce volume les multiples facettes de ce personnage hors-pair à l'écriture acide et tranchante.
Un esprit libre pour un temps de débâcle, ça fait merdrement du bien !
Comme auparavant dans le savoureux « La littérature sans estomac », Pierre Jourde s'en prend à nouveau, sans relâche, à la bêtise. Son champ, cette fois-ci, est plus large : la littérature, bien sûr, mais aussi la culture, l'éducation, la politique.
Toujours dans son style polémique, mitraillette à la main, l'auteur fait un tour d'horizon comme on tire à l'aveugle. Sauf qu'il ne tire pas à l'aveugle, et chaque tir, juste, atteint son but.
N'étant quand même pas qu'un tireur, il sait, comme toujours, reconnaître l'intelligence et la qualité là où elles, rares de nos jours, sourdent.
De l'autrice, on aimait déjà ses romans graphiques au dessin si particulier nous renvoyant à la peinture de De Chirico ou à celle de Paul Delvaux : hiératiques et pleins d'une expression muette, ses personnages nous touchaient d'une façon profonde et mystérieuse.
Et voilà que Marion Fayolle nous offre un premier roman d'une écriture aussi crue, incisive et elliptique que ses dessins.
Et la magie opère encore !
Nous voilà devant un texte d'une mélancolie soutenue, d'une tendresse souterraine, d'une beauté souveraine qui nous fait sentir les odeurs, entendre les sons, les silences,
sentir la dureté et la douceur de ce coin de pays, de ses bêtes et de ses gens qu'on n'oubliera pas de sitôt.
Vous ne connaissez pas encore Annie Le Brun ? Il n'est pas trop tard. Prenez ce volume, emportez-le chez vous, dans un parc, à la campagne, devant la mer, dans les hautes montagnes, dans le bistrot du coin. Ouvrez-le et laissez-vous emporter par cette voix intransigeante, d'une intelligence rare, solitaire, vivante.
À travers ses poèmes et ses essais critiques, Annie Le Brun ne cesse de nous rappeler, par ces temps de fermeture de tout horizon, et avec une lucidité implacable, l'importance de nous trouver des appels d'air dont la poésie et l'amour, dans leur plus haute expression, seraient
et la source et les garants.
À la fin de cette lecture, vous ne verrez plus le monde comme avant. Vous ne serez peut-être plus le même. Et ce sera tant mieux pour vous.
Voici un petit manuel de résistance et de combat.
En revenant sur quelques épisodes de lutte contre l'accaparation par le capital de tout territoire et de toute forme vivante, Kristin Ross nous livre une analyse novatrice sur les formes d'action menées par celles et ceux qui ne se laissent pas faire.
Se battre pour une idée ? Non, se battre pour un lieu. Pour des nouvelles formes de vivre. Contre les hiérarchies. Pour la décentralisation et la participation. Pour un temps où les priorités seraient celles du vivant, de la justice, de la solidarité.
Par un temps – en apparence
– sans issue, voici un opuscule qui propose des chemins.
Un témoignage essentiel
Ce récit retraçant l'histoire de l'Allemagne entre 1914 et 1933 du point de vue d'un citoyen lambda, est d'une actualité glaçante.
Et ça se lit comme un sombre et excellent roman à suspense.
Si vous voulez comprendre les mécanismes qui menèrent à l'ascension d'Hitler et qui aboutirent aux camps d'extermination ; si vous voulez comprendre certaines dérives (terrorisme djihadiste, montée des extrêmes droites) bien de nos jours ; si vous voulez des clés pour que la lucidité reste la norme devant toutes les menaces à la liberté ; alors, n'hésitez pas : la lecture de ce texte ne vous décevra pas.
Si vous ne voulez rien de cela, mais tout simplement un très bon roman nous racontant l'histoire d'un combat – inégal – entre un simple individu et un État tout puissant, vous n'avez plus à chercher : Histoire d'un Allemand est votre roman.