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6 Note(s) et avis
Chien-loup de Serge Joncour m’a forcée à ralentir et m’a quelque peu hypnotisée, rien de moins que ça. Enfin, j’avais du temps à perdre. Le temps, d’ailleurs, a suspendu son vol et j’ai mis plus de temps que d’ordinaire à lire un livre pourtant peu épais. Serge Joncour n’est pas un auteur que j’ai l’habitude de lire. J’avais lu il y a longtemps Carton, dont j’avais eu une lecture assez mitigée. L’histoire ? Franck et Lise ont loué pour l’été une maison perdue en haut d’une colline dans le Lot, une maison si perdue qu’elle est hors réseau et que le chemin pour y aller semble avoir été oublié par les hommes. Franck, producteur de films, est tout d’abord extrêmement agité par le fait d’être injoignable tandis que Lise se détend et profite de la vue pour commencer à peindre. Mais peu à peu, tout va se modifier. Un chien sauvage fait son apparition, qui va chercher la compagnie de Franck. Puis, Franck part à la découverte de son environnement et apprend l’histoire de cette maison et de cette région. En parallèle, le lecteur suit les événements qui ont secoué le village pendant la première guerre mondiale, et notamment l’installation d’un dresseur allemand, venu se réfugier là-haut avec ses fauves… Je vais avoir du mal à vous raconter comment ce livre nous enrobe et nous tient dans une nature pleine de force et de craintive sauvagerie. J’aimerais qu’il vous fascine tout autant qu’il m’a fascinée, d’une manière profonde et complètement inattendue. C’est un roman qui sait si bien parler de la force des femmes, de l’instinct, qu’il soit animal ou humain, et du besoin vital de se couper parfois du brouhaha du monde.
Voici le roman outch de ma rentrée. Je ne peux pas dire que je sois très adepte de ce genre de lectures où la violence est ainsi tellement extrêmement présente mais j'ai beaucoup aimé. L’histoire ? Nous sommes au Kansas, il fait chaud. Une jeune fille, Hayley, s’apprête à partir une semaine chez sa tante, afin de se préparer sérieusement à son prochain tournoi de golf. Elle s’est remise à ce sport en hommage à sa mère, décédée alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. Hayley est préoccupée par la trahison récente de son petit ami, et prend la route dans la voiture que son père lui a offerte, un peu fébrile et décidée à réussir son challenge. Un peu plus loin, Norma vit dans une grande maison, seule avec ses trois enfants, au milieu des champs et de nulle part. L’aîné, Graham, voudrait partir à New York avec sa petite amie, poursuivre des études de photographie. Tommy, le deuxième, a quitté les études, travaille dans une épicerie, et s’adonne à des actes violents dans le secret d’un abattoir désaffecté. Tous les espoirs de Norma pour une vie meilleure convergent vers Cindy, la plus jeune, qu’elle présentera bientôt à un concours de mini Miss. Quand Hayley tombe en panne sur la route, et que Norma lui vient en aide, aucune des deux n’a conscience de mettre les pieds dans un terrible engrenage que bientôt personne ne pourra arrêter. Il suffira d’une nuit de trop dans une maison familiale pour que l’équilibre bascule. Helena est véritablement un roman addictif, mais avant tout un thriller psychologique qui ne laisse pas son lecteur en paix. Certaines scènes resteront gravées très longtemps dans ma mémoire, comme ce visage enfantin éclaté par un club de golf par exemple, qui signe un point de non retour dans l’histoire. Le sang gicle souvent, beaucoup de personnes meurent, et pourtant de nombreux passages sont d’une douceur et d’un espoir incroyables. Et c’est assez fascinant comme l’on ressort de cette lecture des questions encore plein la tête. Quel est l’impact de cette fameuse Helena sur toute cette histoire ? Qui sont les véritables coupables dans ce roman ? Peut-on croire à la malédiction de certains lieux ? Et jusqu’où peut-on aller pour protéger l’avenir de ses enfants ? J’ai beaucoup aimé, donc, ce roman de Jérémy Fel, d’une grande qualité narrative, mais il me faudra je crois quelques temps pour me remettre de sa lecture.
Je crois bien que je viens de lire mon premier Jean-Philippe Blondel, aussi étonnant que cela puisse paraître. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir depuis longtemps vu son nom partout sur des couvertures. Ici, il s’agit d’un roman pour adolescents (il écrit aussi pour les adultes) et d’un coup de coeur pour moi ! J’ai une sensibilité particulière envers les récits qui parlent de la danse, surtout quand elle n’est pas classique et est vécue comme une urgence ou une nécessité. Nous rencontrons dans ce roman trois personnages, Anaïs, Adrien et Sanjeewa. Ils sont très différents mais vont être amenés à partager le même cours de danse dans un lycée, cette même option dont ils ont tous les trois un besoin essentiel. Adrien a la danse dans la peau, ses parents lui ont d’ailleurs permis d’aménager complètement le sous-sol de leur maison pour qu’il s’entraîne. Anaïs est une ancienne gymnaste que l’on a découragé abruptement de continuer sur cette voie et qui trouve dans la danse la précision et la rigueur qui lui conviennent. Sanjeewa est lui originaire du Sri Lanka et on dit de lui qu’il parle comme dans les vieux livres dans lequel il a appris à lire le français avec son père. Il est très doué en Hip Hop, car il retrouve dans les mouvements de cette danse les mouvements des danseurs masculins de son pays d’origine. Mais ces trois là vont surtout nous rejouer l’histoire du triangle amoureux. Et si justement quelque chose de beau pouvait éclore de cette situation, pour une fois ? Si la danse et l’amitié pouvaient aplanir toutes les difficultés et toutes les frontières ? Mais ce n’est pas gagné. Avant de parvenir à cet état de grâce, il faudra peut-être en passer avant par la colère. N’hésitez pas à ouvrir ce roman dont l’écriture m’a séduite d’emblée. Jean-Philippe Blondel a su dans le choix de ses mots exprimer à la fois les mouvements du corps, mais aussi les mouvements de l’âme de ces adolescents en recherche de sécurité et de partage, et qui se cachent derrière une volonté affichée d’autonome et de fierté. Dancers exprime tout ce que le porté en danse signifie de lâcher prise et de confiance en son partenaire, et combien il est précieux de grandir dans un monde où chaque porté est réussi. Un très beau roman donc, et mon cinquième coup de coeur de rentrée littéraire !!
Ma rencontre avec l’auteur Antoine Dole date. Elle s’est faite en réalité via son pseudo Mr Tan, et la collection des Mortelle Adèle que ma grande fille dévorait autrefois. Puis, j’ai découvert ses romans, et notamment dernièrement Tout foutre en l’air, publié également dans une petite collection de chez Actes Sud. J’aime cet auteur qui allie à la fois le talent et une très belle personnalité. Antoine Dole aime le Japon et la culture japonaise. On peut le constater facilement d’ailleurs via ces petites photos magnifiques qu’il prend sous le pseudo de Mr Tan (voir Nendo Stories sur facebook). Je n’ai donc pas été surprise de découvrir son titre de rentrée littéraire, destiné aux adolescents, qui dresse le portrait de huit jeunes gens en route pour assister à l’éclosion des cerisiers en fleurs à l’intérieur du parc Ueno de Tokyo. Ils ont tous en commun le fait d’être considérés comme des êtres sortis de la norme dans cette culture japonaise où la pression sociale est très forte. Ils sont devenus pour la plupart soit des anti-conformistes au look parfois extravagant, soit des fantômes, des exclus. Le premier personnage, Ayumi, est emblématique de ce terme Hikikomori, qui désigne ces adolescents coupés du monde qui n’arrivent plus à sortir de leur chambre. Mais il y a aussi Haruto, dont la vie a été chamboulée par le tsunami de 2011. Fuko, atteinte de leucémie, qui est condamnée et arrive au parc pourtant toute joyeuse dans un fauteuil roulant poussé par sa grande sœur. Noriyuki, qui est devenu sans domicile fixe, après avoir abandonné le domicile familial. Sora, qui affiche un look de genderless kei. Aïri, une fan qui se perd dans son amour obsessionnel pour son idole. Ils ne se connaissent pas mais vont se trouver réunis pour Hanami, le spectacle de l’éclosion des fleurs de cerisiers, pour un moment traditionnel important de grâce, de pause et de réflexion, de renouveau, qui réussira peut-être à changer leur vie. Personnellement, j’ai beaucoup aimé l’ambiance de ce roman choral dans un Tokyo foisonnant. J’ai pensé par certains aspects au film visionné il y a peu, Les délices de Tokyo, adaptation d’un roman de Durian Sukegawa, surtout avec ce chapitre sur le personnage de Daïsuké, qui travaille dans une échoppe à pancakes et vit encore chez ses parents. Le fait de n’avoir pas fait d’études, de travailler dans un endroit minuscule et peu valorisant pour un salaire de misère, le rend lui aussi de plus en plus transparent. On se demande, en tant que lecteur, quel avenir vont avoir tous ces êtres fragiles dans une société qui ne les attend pas pour avancer. On n’oublie pas aussi de faire le parallèle avec un système scolaire français qui ne laisse plus aux jeunes gens le temps de trouver leur voie, de se tromper ou de grandir. Antoine Dole distille pour autant dans son texte plusieurs éléments positifs, faits de rencontres possibles, de courage et d’espoir, qui font de ce roman un levier pour oser marquer sa différence et affirmer sa liberté.
A force de lire beaucoup, j’attends à présent de mes lectures qu’elles me bousculent et m’étonnent, et c’est bien le cas avec ce nouveau titre de Sophie Divry, complètement inattendu. Et ouah, quelle énergie dans la narration et l’écriture !! Joseph Kamal vient d’être jeté dans une prison de région parisienne, après un braquage raté dans lequel son frère Tonio a trouvé la mort. Un peu naïf et déphasé, il est très vite confronté à l’extrême violence dont font à la fois preuve les autres détenus, mais aussi les gardiens. Quand soudain, une explosion nucléaire rebat les cartes. Joseph Kamal profite du désordre pour s’échapper, quand d’autres décèdent autour de lui. Les survivants sont peu nombreux et partent pour la plupart à l’abri des radiations, dans la zone. Joseph, lui, choisit de s’enfuir dans l’autre sens, dès qu’il a conscience que son casier judiciaire le suivra toujours, et que s’inventer une nouvelle vie dans la zone est impossible. Il se retrouve alors dans un village de Causse, dans lequel il arrive peu à peu à se créer un abri, un foyer, entre son potager, le mouton qu’il a recueilli et sa chatte Fine. Mais la solitude est totale, et les vivres rares. Ce nouveau Robinson des temps modernes arrivera-t-il à survivre à ce naufrage d’un nouveau genre ? Il est peu de dire, donc, que j’ai été bousculée par ce dernier titre de Sophie Divry. Tout d’abord, par sa description presque intenable (réelle ?) du milieu carcéral. Le jeune Joseph, entraîné par son frère dans une voie qui ne lui correspond qu’à moitié, est confronté dès son emprisonnement à un broyage intégral de sa personnalité. Puis, il y a toute cette description de la survie post-apocalyptique qui là génère tout à coup un certain apaisement. On s’imagine quelqu’un survivre dans la zone interdite de Tchernobyl, on s’imagine la situation possible et l’empathie du lecteur naît peu à peu. Sophie Divry signe ici un roman à la fois extrêmement violent et d’une étrange beauté. L’écriture est rude, abrupte, pas forcément confortable, mais le propos est engagé et fort. Je recommande plus que chaudement.
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Haletant !
Je n’attendais rien du tout de ce petit roman de rentrée… et je me suis laissée totalement emporter par son intrigue. Voilà qui arrive parfois, et à chaque fois c’est un heureux étonnement de lecture. Un dieu dans la machine est un roman moderne, qui commence pourtant par le récit désabusé des galères d’un anti-héros, mais se termine dans un feu d’artifice futuriste. Roman d’anticipation ? Fable moderne ? Critique de notre société ultra-connectée ? L’histoire que nous raconte Alexis Brocas contient un peu de tout ça. Nous rencontrons tout d’abord notre narrateur, fraîchement père, fraîchement divorcé et fraîchement au chômage. Sa vie a été saccagée par deux trois lignes de trop dans un roman qu’il a publié. Il sait que pour s’en sortir, et pour briller de nouveau dans les yeux de sa fille Emma, il va devoir accepter ce travail étrange chez Larcher. Là-bas, on fait appel à ses compétences rédactionnelles, mais il faut aussi s’accommoder de ce que l’on ne comprend pas et surtout ne pas poser de questions. Larcher cultive l’art du secret. Notre narrateur fait croire à son entourage qu’il rédige des notices pour appareils ménagers. En réalité, il s’agit d’utiliser une machine, qui se nourrit d’informations statistiques, de données de masse, et à qui un beau jour le personnage d’Alexis Brocas a l’idée de demander l’espérance de vie de sa fille, alors qu’elle n’a encore que 6 ans. On lui répond qu’à 17 ans Emma décédera d’un accident, au milieu d’une foule, et qu’il sera présent. S’ensuit alors un contre la montre pour la vie et contre la machine. Je vous recommande réellement ce court roman haletant et très bien écrit, qui vous fera certainement comme à moi parfois froid dans le dos, mais qui a le mérite de mettre en lumière la manipulation des algorithmes qui tendent aujourd’hui à nous gouverner. Alexis Brocas croit aux pouvoirs de l’empathie et de l’humain, et c’est je crois ce qui m’a le plus touchée aussi. Un livre à glisser dans des mains adolescentes.