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Il est des livres qu'on lit dans un souffle, avançant de phrase en phrase, au coeur des mots, accordé à une voix, comme au plus près d'une pulsation.
Il est des voix qui jaillissent hors du silence, rares et bouleversantes.
Il est des silences qui recouvrent tout.
Alors, l'écriture.
Par-delà l'indicible, le non-dit.
Comment approcher et mettre en mots ce qui lie une fille à son père, un homme admiré, et soudain condamné pour corruption ?
Comment saisir ce qui emporte, pourrait mettre à terre, quand une mère n'est plus ?
C'est un avant et un après qui s'ouvrent à nos
yeux. C'est de ce séisme que....
Laurence Tardieu livre un texte autobiographique, d'élans, de tensions, de questionnements entremêlé. Dans lequel l'écriture de l'intime nous saisit et nous sidère par son intensité à être dans la vie, la vie même.
La confusion des peines s'impose à nous dans l'éclatante évidence d'un livre ouvert sur l'amour !
Quand l'âge de la retraite a sonné, que faire ?
Céder aux sirènes d'une résidence sécurisée, au nom ô combien prometteur de Conviviales ?
C'est le pas franchi par Martial et Odette, puis par d'autres jeunes retraités. Sous l'œil avisé d'un jeune gardien de ce temple du troisième âge.
Mais c'est sans compter sur le grain de sable qui va venir irriter cette petite mécanique, ces petites vies qui se veulent tranquille.
Pascal Garnier excelle et frappe juste, conjuguant l'indispensable impertinence d'un Claude Chabrol à la salutaire férocité d'un Jean-Pierre Mocky !
Ce fut une des grandes et belles surprises de l'année 2007.
Patrick Neate nous entraine dans un voyage à travers les siècles, d'Afrique en Amérique, sur les pas de Lech Holden, cornettiste, dont la route croisera un jour celle de Louis Armstrong, Kid Ory et Fate Marable.
Jazz et quête des origines sont le coeur de ce roman. Mêlant la magie du conte africain à un voyage musical, Twelve Bar Blues est un livre brillant d'intelligence et d'émotion.
Nuala O'Faolain nous convie à une fabuleuse et passionnante odyssée, sur les traces de Chicago May, la " Reine des criminelles ".
A 19 ans, en 1890, May rejette la paerspective d'une vie de pauvreté en Irlande. La nuit de la naissance de sa soeur, elle s'enfuit de son village non sans avoir dérobé les économies familiales. Elle s'embarque alors pour New-York où elle connaîtra tout du crime. Elle voyagera de ville en ville, à la recherche de son coin de paradis.
Tout en suivant les traces de sa compatriote, l'auteur trouve un écho à sa propre vie ; les deux femmes ont en commun de
s'être exilée en Amérique. Nuala O'Faolain ne cesse de réfléchir à la justesse de son projet biographique et présente aux lecteurs un portrait de femme empreint d'une grande humanité.
" et ce que le procureur a dit, c'est qu'un homme ne doit pas mourir pour si peu, qu'il est injuste de mourir à cause d'une canette de bière que le type aura gardée assez longtemps entre les mains pour que les vigiles puissent l'accuser de vol..."
Une telle phrase d'ouverture nous laisse sans voix.
Laurent Mauvignier vient poser sa plume dans les eaux sombres d'un fait divers scandaleux survenu à Lyon en décembre 2009.
Un homme jeune soustrait à tous les possibles par la barbarie soudaine de vigiles.
Et au lecteur d'avancer dans un récit tout en tension et de s'interroger sur ce que
l'on appelle humanité.
Sous ses yeux, à portée de page, un déchaînement de violence vient le frapper par son caractère hors-norme et indicible.
Saurons-nous survivre à la folie des hommes ?
Ce texte de fiction restitue avec une grande force littéraire cette sidération.
A cet autre qui n'est plus, notre frère.
Nagasaki, début du troisième millénaire.
" Sans vouloir exagérer, je ne suis pas grand-chose. Je cultive des habitudes de célibataire qui me servent de garde-fou et me permettent de me dire qu'au fond je ne démérite pas trop."
M. Shimura est un paisible météorologue, un quinquagénaire à la vie bien rangée, dont le métier repose sur ses capacités de prévision et d'anticipation.
Son quotidien revêt une étrange tournure lorsque d'infimes modulations semblent affecter son habitation.
Serait-il victime d'une subreptice intrusion à son domicile ou d'une fantaisiste hallucination
?
Semblable à une eau qu'un simple jet de pierre aurait transformée en une surface mouvante, ridée de fines vagues et d'ondes circulaires, ce roman nous trouble par sa capacité à faire naître et à entretenir le doute dans notre esprit de lecteur.
Avec retenue et mesure, Eric Faye explore ces instants de glissement progressif en territoire inconnu, lorsque la réalité et la perception que nous en avons - loin de s'accorder- se disjoignent.
Fascinant !
Zoyâ Pirzâd nous plonge dans le quotidien de femmes iraniennes.
Arezou, Shirine ou encore Marjane sont nos guides dans un Téhéran contemporain, prises entre traditions et espoir.
Leur lucidité et leur énergie illuminent ce grand roman brillant.
" Les femmes, c'est mon métier, elles sont belles quand elles sont dans leur vérité. Exactement dans la coïncidence de leurs corps et des années, cela s'appelle la vérité. Personne leur a jamais dit ça. Un truc aussi simple que ça, la vérité. Elles sont prêtes à gober tout le reste mais pas ça."
Monika travaille dans l'institut de beauté d'une ville fade et sans relief : " Ici c'est la même saison tiède et grise qui traverse l'an de janvier à décembre, la même saison indifférente."
Elle qui a grandi en Pologne, dans la ferme familiale, en compagnie de sa soeur aînée,
son modèle avant tout, n'aime rien tant que ces étés écrasants de soleil et de chaleur. " Else et moi on les attendait les moments jaunes comme un temps fort de l'année, quand ils arrivaient on faisait corps avec eux."
Une enfance, où les sens et les corps n'étaient pas occultés. Des adultes, êtres de sang et de chair, à la sensualité énigmatique aux yeux des deux soeurs, fascinées par le mystère entourant la chambre des parents ...
Monika est devenue - à son corps défendant -, confidente des femmes qui poussent la porte de son Salon. Dans le calme des cabines de soins, elle est la dépositaire de leurs récits et parfois de leurs secrets.
La femme du boucher, Alix, Grâce, Ludmilla et Adèle (poignante octogénaire qui pendant l'Occupation s'éprit d'un soldat allemand) se dévoilent. Ce qu'elles taisent, Monika le comprend de l'observation de leur corps.
" Je ne suis pas leur amie et pourtant. Je rentre chez moi le soir avec leurs histoires. Je ne pense à rien, je n'oublie rien non plus. Elles le savent, ça leur plaît comme je suis avec elles. Ça leur plaît que je ne dise rien. Elles croient que je sais des choses qu'elles-mêmes ignorent."
Sans artifice et avec une grande justesse, Fabienne Jacob s'élève contre les diktats et les canons de beauté contemporains. Une mise à nu de ses personnages nécessaire et fine.
Un roman comme un subtil blason du corps et du cœur féminin.
Cet exceptionnel premier roman d'un jeune auteur français Thomas Heams-Ogus, paru en 2010, lève le voile sur un pan méconnu de l'histoire italienne.
Au coeur des Abruzzes, Mussolini mit en place un réseau de camps d'internement pour les soi-disants indésirables du régime.
116 Chinois furent les proies des sbires du duce.
1942, 1941, 1943 : trois années, trois chapitres à la chronologie décalée qui accentue notre effarement à lire ces destins hors du commun.
Par une langue riche, inventive et précise, Thomas Heams-Ogus rend hommage à ces hommes que la machine dictatoriale aurait
pu broyer et effacer des mémoires.
La force et l'exigence de son livre ravivent leur présence.
Prenons le temps de lire le nom de chacun d'entre eux, en dernières pages.
Plus qu'une empreinte sur le papier, ces noms nous appellent et nous disent : Regardez ! Des hommes ont vécu. Ils sont notre humanité !
Evaporation !
Lorsqu'une personne disparaît, les Japonais usent du merveilleux et énigmatique mot d'évaporation.
Fantômes, spectres, nébuleux absents sont au coeur de ce fantastique, fantaisiste et réflexif roman.
De corps il sera beaucoup question et lorsque un corps s'évapore, l'auteur entre en scène.
Dans un Japon atemporel, où les légendes font partie du quotidien, Yasu part à la recherche de son oncle paternel, disparu lorsque lui-même était enfant. Un beau jour de mai, alors qu'il quitte son village de montagne, sait-il que sa quête le tiendra éloigné de son épouse Yunko plus d'un an ?
De lignes de fuites en ligne d'horizon, au fil des saisons, il arpente les paysages qui s'ouvrent à son regard.
C'est une écriture du mouvement qui se déroule sous nos yeux, un roman "cinétique", avec un soin du détail et du plan large, l'exploration par l'écriture d'angles de vision divers et de multiples perspectives : zoom avant, printemps, grande focale, été, gros plan, automne, zoom arrière, hiver. Puis la neige fond. Enchaînons.
Séduction, désir, amour, amitié, éloignement apparaissent à travers le prisme de cette pérégrination littéraire.
Il est troublant de penser qu'oncle et neveu vont être liés par un lien de parenté vaporeuse, chacun étant le fantôme d'un ou d'une autre, l'oncle pour le neveu, l'époux pour l'épouse.
La finesse littéraire de Christine Montalbetti rime également avec humour, nous proposant de vivre de grands moments, en forme de traité d'éthologie d'anthologie et de manuel d'entomologie de haute volée !
Légendes, monde merveilleux, codes sont ici les objets de sa plume joueuse ; le lecteur féru d'arts martiaux verra sa patience récompensée... samourai, vous avez dit samourai ?
Ce roman vient titiller le lecteur et l'invite dans le jeu.
Un livre admirable, un bonheur de lecture !
En route !