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Lorsque j'ai lu "Les immortelles" il y a quelques mois, j'avais trouvé cela pas mal sur le coup : l'histoire de la prostituée au grand coeur qui considère son métier comme un acte ultime de liberté m'avait touché ; le propos global de l'auteur - rendre hommage aux laissés-pour-compte de la société, aux femmes qui ont été oubliées lors du séisme en Haïti - me séduisait également.
Toutefois, quelque chose me chiffonnait sans que j'arrive à mettre le doigt dessus... En y repensant de temps à autre, je pense avoir trouvé ce qui ne fonctionne pas pour moi : l'éditeur nous présente
ce livre comme un roman alors que l’influence poétique se fait pourtant grandement sentir : le texte est une succession de paragraphes très courts, la langue prend son origine dans un registre poétique, etc. Du coup, le lecteur est un peu perdu et ne sait plus trop sur quel pied danser : S’agit d’un récit ? d’une poésie ? d’un poème en prose ? À mon sens, l’auteur ne développe pas un fil narratif précis ; par conséquent, son texte ne peut pas être classé dans le genre romanesque car l’intrigue, assez maigre, ne se déploie pas comme elle le devrait.
En bref, comme les éditions Zulma classent cet ouvrage dans la catégorie "premier roman", jugeons-le comme tel ! Je serais tenté de dire pour les raisons susmentionnées qu’il s’agit d’un mauvais roman. Toutefois, je lui mets deux étoiles pour la beauté de la langue (même si l’auteur est trop présent derrière ses phrases et que du coup l’ensemble dégage un côté poseur et artificiel assez désagréable) ainsi que pour la structure intéressante du livre (succession de paragraphes très courts qui laissent la part belle au silence, à la respiration et au bruit) et sa construction (alternance de plusieurs voix qui s’entremêlent à la première personne du singulier).
Avec Les immortelles, Makenzy Orcel arrive en force avec un premier roman court mais percutant. Le style est poétique, étudié car l’auteur sait jouer avec les mots (" éditer à compte de sexe", " laisser couler le sang des mots").
Une prostituée interpelle un écrivain afin qu’il écrive l’histoire de Shakira, cette toute jeune fille de la rue morte lors du tremblement de terre. Elle a deux missions, la faire vivre dans un livre et retrouver son fils.
Parce que "les personnages des livres ne meurent jamais", cette mère de substitution veut rendre hommage à La petite, grande lectrice
de Jacques Stephen Alexis, célèbre auteur haïtien. Shakira s’est enfuie de chez elle douze ans plus tôt pour échapper à une mère bigote soumise à un mari violent. Shakira , elle, n’a qu’un Dieu, La liberté. Elle préfère vendre son corps pour une vie libre où elle peut lire loin de sa mère qu’elle déteste.
Le texte est à la fois beau et violent. On y rencontre le deuil suite à ce tremblement de terre, la prostitution, la pauvreté, l’illusion de la religion dans ce pays si souvent brisé mais on y distingue aussi la dignité de ces femmes, l’entraide et le rêve.
" Comme nous, les enfants ont eux aussi le droit de choisir ce qu’ils veulent pour eux-mêmes. Ce qu’ils croient faire leur bonheur."
Difficile de savoir qui fut la plus heureuse de la mère ou la fille. Même si le récit sublime l’existence de Shakira, le bonheur semble difficile à trouver à Grand-Rue.
A travers une narration concise et des mots envoûtants, l'écrivain raconte : la sensation et le désir occulte, le quotidien de ces laissées pour compte, de ces femmes, de leur courage et de leurs rêves sans limite...
Un récit fait de lumière, qui alterne toujours entre silences et dénonciations. Une histoire de survie, d'itinéraires de vies, une misère partagée offrant un troublant témoignage mis en lumière avec talent par Makenzy Orcel. Un premier roman de grande qualité, fort, sensuel et mystérieux, à découvrir.
http://art-enciel.over-blog.com/article-les-immortelles-de-makenzy-orcel-117135294.html
Magnifique texte c'est indéniable.
Toutefois, je suis "restée au bord du chemin" et n'ai guère adhéré à cette histoire. Peut-être parce que la condition de pute, à Haïti ou ailleurs, me fait dresser les cheveux sur la tête ?
1er roman de Makenzy Orcel publié en France après une 1ère publication au Canada.
Roman sans doute, mais à forme atypique, poème indéniablement, puisqu'il en épouse la forme, la respiration, les moments de silence, la langue lyrique.
Mais surtout un cri, un rugissement, une plainte comme celle que l'on entendait le soir à Port au Prince dans le lointain quand s'annonçaient les secousses, répliques nombreuses à la "chose" innommable qui a changé leur vie à tout jamais.
Retour à la vie aussi pour de nombreuses prostituées , héroïnes malgré elles de ce récit, mises en lumière
enfin de ces femmes que tout le monde, médias, sauveteurs compris ont oublié lors de tragique 12.01. Comme un tombeau qu'il leur offre, un hommage vibrant.
Une femme raconte : elle, la petite, les prostituées de la Grand-Rue de Port-au-Prince emportées, balayées par le tremblement de terre.
Un homme transcrit, écrit.
L'écriture est belle qu'il est facile de se laisser happer par les mots.
Les mots racontent Haïti comme d'autres racontent la Chine (je pense à un article récemment lu), New-York (Et que le vatse monde poursuive sa course folle de Colum McCann), l'Afrique (Bilal sur la route des clandestins de Fabrizio Gatti) et bien d'autres encore dans d'autres lieux et espace-temps.
Je pense à ces jeunes femmes que je vois sur le bord
de la route entre mon bureau et chez moi qui attendent la voiture qui s'arrêtera (et y en a) qu'il fasse beau, pluie ou vent .. Pour elles, aucun mot pour dire.
Imposé ? Choisi ?
Pour payer des dettes, pour survivre, pour une vie supposée meilleure, pour ....
Les Immortelles, joli nom pour ces femmes.
extrait: "les personnages dans les livres ne meurent jamais. Sont les maîtres du temps".
Makenzy Orcel nous offre un premier roman âpre.
Il rend un vibrant hommage aux oubliées du séisme en Haïti, les prostituées de la grande rue de Port au Prince.
Un tour de force.
Voici une petite œuvre singulière par son format et son contenu.
Il n’y a pas à proprement parler d’histoire ou de récit au sens traditionnel.
Ce sont plutôt des instantanés, des épisodes de vie.
L’écriture est soignée, on suit le fil de cette narration et l’on partage l’émotion de cette femme qui tente de maintenir ses souvenirs du temps d’avant.
Le tremblement de terre est un bouleversement, une rupture majeur dont il ne semble pas possible de se remettre.
Le monde d’avant a disparu et il faut en construire un nouveau, mais cette femme ne semble pas en avoir la
force.
Il faut dire qu’elle a tout perdu.
Sa fille l’a quitté longtemps auparavant, et cette jeune fille qui l’avait remplacé s’en est allée aussi, mais d’une autre façon.
Cette vie solitaire, offerte aux hommes de passage sans partage, sans amour ne semble plus la satisfaire.
Pourtant, elle raconte l’équilibre qui existait autrefois autour de cette rue où s’étaient installées toutes celles qui exerçaient le même métier.
Elle semble nostalgique de cette ère tranquille où rien n’arrivait.
Et je dois avouer que c’est surtout cela qui m’a gêné, alors qu’il s’agit de l’argument principal de ce récit.
La nostalgie de la prostituée satisfaite de sa profession, je suis désolée, mais j’ai du mal.
Mon féminisme latent qui s’exprime sans doute.
Le fait que ce soit écrit par un homme m'amène également à un peu de suspicion (mais je suis sans doute de mauvaise foi).
Pour autant, il n’y a pas d’outrance dans l’écriture qui reste sobre et poétique.
Cela se lit sans déplaisir et les textes composent un bel ouvrage, un morceau de vie et de souffrance.
Premier livre lu en partenariat avec la librairie Décitre et son forum Entrée Livre dans le cadre de l'opération Coup de Coeur d'un Jury Public que je remercie particulièrement.
Editions Zulma.
Livre de 134 pages.
Premier Roman de cet auteur.
Quatrième de couverture :
Aux lendemains du tremblement de terre qui a secoué Port-Au-Prince avec la même force destructrice que la bombe d'hiroshima, Makenzy Orcel a écrit "Les Immortelles" pour dire la folie de vivre malgré l'épouvante autant que pour livrer le plus insolent témoignage face à l'apocalypse.
Avis et commentaires
:
Premier roman de cet auteur asse fulgurant, livre de 133 pages partagés en plusieurs chapîtres brefs, concis et d'une grande qualité d'écriture ; les images se bousculent rendues au mieux par le style de l'écriture de Makenzy. Fusionner la énième tragédie haïtienne avec sa ville martyre de Port Au Prince à travers une catégorie de sa population particulièrement importante ; ses prostituées, c'est le pari réussi de ce romancier.
Un écrivain (l'auteur ?) se voit proposer un marché simple par une prostituée ; mettre des mots sur sa douleur dans sa double recherche (?) de sa fille qu'elle a abandonné à regret et surtout sur celle qu"elle appelle "la petite" celle dont elle avait fait se fille de substitution, prostituée également, morte dans les décombres du dernier tremblement de terre alors qu'elle était enceinte et dans l'attente des secours, tout cela en échange d'une passe.
C'est la voix d'une partie des grandes oubliées du seïsme qui dévasta Port-Au-Prince, leur parcours, leur misère, leurs joies, leurs affections mais aussi du méprise de certains de leur client.
C'est la trop courte biographie d'une de ces victimes anonymes des ruines de la ville, à la fois en rupture avec sa propre mère mais passionnée de lecture et avide de savoir.
Ce sont les histoires de vie de la prostituée qui est à l'origine de ce marché avec l'écrivain, un peu du rendu de ces vies anonymes bousculées par la vie mais pour autant libre de leur choix de vie, de leur métier
Deux citations :
.."la petite. Quand elle a sauté à bord de l'irréversible, elle avait l'âge des mots qui hésitent"
.."tous les mots de mon corps ne sauraient suffire pour dire la douleur de la terre".
Pour moi une lecture captivante et belle, d'une grande poésie
Haïti, terre d'artistes : peintres, musiciens, écrivains ... Makenzy Orcel, qui nous présente ici son premier roman, est de ceux-là.
Il choisit à son tour de puiser dans ce terreau de douleur qu'a été le tremblement de terre pour exorciser ce drame qui a frappé l'île le 12 janvier 2010.
"Les immortelles" ce sont les prostituées de la grande rue de Port aux Princes à qui l'auteur donne la parole dans ce roman. Shakira, jeune prostituée est morte sous les décombres et c'est une de ses amies qui lui rend hommage en racontant sa vie à l'un de ses clients, écrivain, la rendant de
ce fait immortelle.
À la fois terriblement dur et véritablement humain, ce texte déstructuré et rapide comme des secousses nous fait voir une précarité extrêmement violente dans ce pays.
J'ai aimé ce roman de la vie, du sexe, de la mort en Haïti, terre de toutes les souffrances et de tous les espoirs qui met enfin en lumière toutes ces femmes dont la vie, comme celle des 300 000 victimes, à volé en éclats.
Ce roman me donne maintenant envie de découvrir "l'espace d'un cillement" de Jacques Stephen Alexis, célèbre auteur haïtien.
Tout à fait d'accord sur la beauté de l'écriture (on sent le poète).
Par contre, mais c'est sûrement totalement personnel, je n'ai guère gouté à cette vieille poésie rance de la pute au grand coeur, dont la passion première est la satisfaction du client. La prostitution dans l'Haïti d'après le tremblement de terre ne doit pas être aussi poétique que semble le décrire cet auteur. Pour moi, cette belle écriture, pleine de bons sentiments n'est pas arrivée à me faire oublier la sordide réalité de ces femmes.
" Les Immortelles " ce sont les prostituées de la Grand-Rue de Port-au-Prince à Haïti. L'une d'elles, apprenant que son client est écrivain lui propose un marché. Elle couchera avec lui s'il couche sur le papier l'histoire des prostitués de la Grand-Rue et plus particulièrement celle de Shakira. Shakira la belle et jeune prostituée, la plus convoitée de la Grand-Rue de Port-au-Prince, celle qui refusait de laver ses draps trop plongée dans les livres de Jacques Stephen Alexis, l'immense écrivain, véritable héros pour les haïtiens. " Les immortelles " c'est l'histoire des prostituées
de la Grand-Rue de Port-au-Prince, celles dont personne n'a parlé après le terrible tremblement de terre...
MON AVIS : Comment ne pas sortir groggy, sonnée d'un tel livre ? Makenzy Orcel dont c'est le premier roman, rend à sa manière hommage aux putes de la Grand-Rue de Port-au-Prince, celles qui sont mortes, ensevelies sous les décombres lors du terrible tremblement de terre de deux mille dix. Ce roman à la fois violent et poétique est extrêmement fort. Orcel possède un bien particulier qui percute, vous embarque et ne vous lâche pas. Les quelques pages dans lesquelles est évoquée la lente agonie de Skakira sont remplies de tristesse, merveilleusement belles d'humanité. De sa plume lapidaire, l'auteur met en mot la vie dans les bas-fonds de Port-au-Prince, ce lieu de débauche dans lequel s'entremêlent l'humidité, les odeurs de sexe et de violence. Mais, le plus touchant dans ce livre, c'est l'immense respect de l'auteur pour son peuple. Il est présent dans tout les pages aux paragraphes épurés. La forme du récit qui est volontairement déstructurée amplifie davantage l'intensité de la douleur de ce peuple si digne, si fort qui jamais ne se plaint. " Les Immortelles » est une magnifique découverte, un véritable coup de cœur.
"Tous les cris de la terre ont écho dans mon ventre".
Plus que singulier dans le fond et dans la forme, Makenzy Orcel nous donne là un livre si intense et singulier. Comme beaucoup de livre de cette terre d'élection pour l'écriture, on pourrait le ramener à cette phrase : "Pour moi, il existe deux grands voyages. La lecture et le somptueux naufrage des corps enlacés". Et pour faire le partage des eaux quoi de mieux qu'un poète. Un poète désigné et rémunéré par une mère maquerelle avec ce qu'elle a à livrer pour décrire la chair offerte de la Grande Rue et le séisme qui un jour anéanti tout et ces femmes aussi. Exercice de Stèles donc, mémoire de ces femmes "emportées dans le strip-tease de la mort". Et par une succession d'écoutes et de tableau, par petites touches comme on dit précieusement, il raconte vies et fins. L'écrivain transforme, arrête le temps juste après le tremblement, fige la ville-décombre et la mort des belles. "La poésie n'est pas censée comprendre. Seulement sentir." Et pourtant comme la nuit cache le vrai visage du monde, notre poète va exhumé une étrange et double maternité partagée et va voir une mère maquerelle et une mère naturelle haïe pour la même fille prodigue comme on le lit rarement. Et, "cette fois, personne n'a été capable de dire qui, entre la mort et l'amour était le plus fort." Le poète honore tous les morts et sait fait renaître leurs voix. Un petit chef d'œuvre !