En 1994, alors que les troupes russes stationnent dans un coin reculé des montagnes du Caucase afin d’y pourchasser les séparatistes tchétchènes, une jeune villageoise prénommée Nura y est arbitrairement arrêtée, violentée et tuée. Vingt ans plus tard, malgré tous les efforts pour étouffer l’affaire, des rumeurs alimentées par un journaliste, la Corneille, continuent à circuler à l’encontre du Général, redoutable et richissime oligarque aux mains sales, que rien ne semble pouvoir atteindre. Rien, sauf, peut-être, tout ce qui touche à sa fille chérie Ada. Elle seule pourrait
le décider à affronter le passé, surtout lorsqu’il resurgit par hasard sous les traits du Chat, une jeune comédienne qui ressemble étrangement à Nura.
Alternant entre deux périodes, le récit prend son temps pour se mettre en place, dédiant chaque chapitre à un personnage avec lequel nous commençons par faire amplement connaissance. Tous ces protagonistes sont fouillés avec soin, jusqu’à prendre l’épaisseur de la réalité. A travers eux, qui, chacun à leur façon, s’efforcent tant bien que mal de faire face au fatras qu’est leur vie, c’est bientôt un impressionnant tableau du cloaque, laissé, comme après le retrait de la marée, par la dislocation de l’Union soviétique, que le roman restitue avec force et précision. Sur ce champ de ruines, nul frein aux forces libérées. Jamais la loi du plus fort ne l’aura à ce point emporté. Et si les uns perdent tout, leurs maigres possessions comme bientôt aussi leurs illusions d’un monde meilleur, d’autres en profitent pour se tailler d’éblouissantes fortunes, usant sans foi ni loi de méthodes à faire pâlir d’envie malfrats et mafieux les plus aguerris.
Imprégné jusqu’aux tripes de ce climat délétère où l’incertitude, la violence et la peur n’épargnent personne, le lecteur comprend rapidement, bien avant que ne se précisent les liens entre les personnages et leur véritable rôle dans cette tragédie russe, que son épilogue sera forcément explosif. Que s’est-il réellement passé cette nuit de 1994 ? Quelle a été l’implication du Général dans l’assassinat de Nura ? Est-ce dans un esprit de vengeance, ou pour soulager sa conscience, que, vingt ans après, il entreprend de renouer avec les acteurs du drame ? Quoi qu’il en soit, pour le lecteur comme pour les autres personnages de cette histoire si crédible, la seule ombre de ces hommes aux allures de fauves en liberté suffit à faire froid dans le dos.
Fouillé avec soin sur presque six cents pages, ce roman excelle à entretenir curiosité et malaise dans une évocation particulièrement réussie des répercussions en chaîne de l’effondrement du bloc soviétique sur ses populations : un sujet vécu de l’intérieur par l’auteur, née en Géorgie et aujourd’hui installée en Allemagne. Coup de coeur.
Quel brio
Avec un titre digne d’un Conte on pourrait penser ce livre dans la même veine mais c’est loin d’être le cas !
Une jeune comédienne talentueuse, surnommée Chat ; un oligarque russe sans scrupule, le Général et un journaliste allemand sur le déclin, la Corneille, vont se croiser et cheminer ensemble jusqu’à la fin !
Le roman commence en Tchétchénie en 1994 en compagnie de Nura une jeune fille pleine de vie qui rêve d’indépendance, de voyage, de liberté au sein d’une société rurale profondément croyante et patriarcale.
L’auteure prend le temps de décrire ses personnages, leur vie, leurs pensées et leurs désirs et ce sur 20 ans pour les deux hommes. Cette partie qui aurait pu paraître longue a en fait suscité ma curiosité et a déroulé petit à petit le chemin qui mène à la compréhension !
Nous plongeons régulièrement dans la Russie post-URSS et dans la Tchétchénie en guerre, cette période qui va transformer des hommes en monstres et gâcher tant de vies. Petit à petit des personnalités se dévoilent et Nino Haratischwili a su jouer de ce registre pour nous laisser dans le flou et le questionnement jusqu’à l'époque actuelle.
Toute une gamme d’émotions parcourt ce livre, de la haine à la culpabilité, en passant par l’amour et l’indifférence ! Il est impossible de deviner où toutes ces histoires nous mènent et le suspense est présent jusqu’à la dernière page !
Je ne dirais pas un beau livre, le thème le permet difficilement, mais un grand livre, qui ne fait pas que raconter une histoire mais est aussi un témoignage d’une période !
#NinoHaratischwili #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2021