Un chant de bravoure et de volupté. En Andalousie, au XIe siècle, un homme hors pair, un juif devenu vizir et principal stratège du royaume musulman de Grenade, écrit une poésie magnifique, étonnante par sa diversité et son audace. Il s'appelle Samuel Ha-Naguid. Très jeune, il fuit sa ville natale, Cordoue, incendiée par les Berbères, et devient épicier à Malaga. Remarqué par un secrétaire du roi Habbus, il arrive à la cour de Grenade. C'est là que son art fleurira, au cœur d'une vie pleine de péripéties et de dangers, qui vont nourrir ses nombreux poèmes écrits parfois sur les champs de bataille, là où il passe dix années de sa vie, à la tête de ses troupes. Il sera le premier juif, après l'époque biblique, à composer des poèmes de guerre d'une vigueur inouïe. " Dans ma génération, David, c'est moi ", écrira-t-il sans complexe et non sans humour ! Si ses poèmes d'amour et ses nombreux chants du vin s'inspirent de la tradition arabe (qu'il connaît à merveille), il les imprègne d'un inimitable parfum biblique. " Une sorte de lumière brille sur ce prince merveilleux - sur lui, sur son époque et sur les poètes de ces temps-là... " écrira, en 1926, Haïm Nahman Bialik. Ce livre présente, pour la première fois en français, une centaine de poèmes de Samuel Ha-Naguid. Dans son introduction, le traducteur, Frans de Haes, nous dévoile les soubresauts d'une aventure tour à tour dramatique, spirituelle, drôle et sensuelle. L'appel du poète est clair : " Si tu désires, comme je le désire, verser un vin de joie, écoute ce que ma langue te dit. " Sur les traces de tes pas / J'errais comme celui qui erre sur la colline de l'encens, je collais mes joues sur les traces de tes pas. / Je subis leurs insultes : un laboureur, à cause de toi, traçait de longs sillons sur mon dos. Ils l'ont deviné : sur la terre d'Elohim il n'y a de beauté telle que toi. / Alors, pourquoi abîmer tes yeux de fard ? Pourquoi mettre du rouge sur tes lèvres ?