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D'où vient ce charme esthétique de la catastrophe et, bien plus encore, de ses représentations et de ses récits ? Un charme auquel nous cédons, comme jadis l'ont fait, dans une sorte de colère et de vertige esthétisés, les dieux et leurs prophètes, en tout temps et en tous lieux.
L'art, dans son histoire, n'a cessé de jouer sur ces deux registres articulés de la chute catastrophique : la répulsion et l'attraction.
Dès qu'elle est décrite ou peinte, l'horreur-répulsion se fait horreur-attraction ; notre effroi devient délice esthétiquement et existentiellement pour revêtir une dimension de sublimité.
Tel Persée à la fois héros et artiste, aux prises avec le monstre méduséen, l'artiste affronte le thème de la catastrophe pour trouver dans ce défi son stimulant, son levain et sa raison d'être essentielle ; et aussi grâce à lui : l'éclat de son style et ce battement de cœur que nous cherchons à entendre et à écouter en toute œuvre : le pas d'un Temps qui cesse enfin de nous entraîner dans sa chute.
L'art entend dénoncer, explorer, conjurer, dépasser et toujours transfigurer. Un art qui, aujourd'hui plus que jamais, a fort à faire dans un monde où la nature et les hommes sont menacés des pires catastrophes en quoi le XXe siècle fut si fertile. Mais comment et jusqu'à quel point l'art, en s'emparant de la catastrophe pour lui imposer avec ses schèmes sa propre mise en scène, peut-il, pour reprendre le propos de Baudelaire, " faire de la boue, de l'or " ? ou, en d'autres termes, offrir, comme aime à le redire Adorno après Stendhal, " une promesse de bonheur " ?