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Marquée par une instabilité politique permanente et une catastrophe naturelle sans précédent (le séisme du 12 janvier 2010), la société haïtienne vit dans un chaos sans fin. Dans ces 14 courts textes, Laënnec Hurbon, l'un des plus grands penseurs haïtiens actuels, tente de comprendre les raisons profondes de cette situation, en la replaçant dans le temps long et dans le contexte plus large de la Caraïbe et de l'Amérique latine.
Laënnec Hurbon aborde d'abord la question fondamentale de l'esclavage : les traces laissées par cette expérience sur la société haïtienne sont vivaces, malgré une volonté d'oubli exprimée dès l'instauration de l'indépendance en 1804. L'auteur analyse notamment les rapports entre esclavage, femmes et religions. Les religions jouent en effet un rôle majeur en Haïti : elles furent un outil d'émancipation pendant la période esclavagiste ; elles sont considérées aujourd'hui comme un moyen de répondre à une quête éperdue de sens et prennent une place accrue dans l'espace public, pentecôtistes, adventistes et témoins de Jéhovah en tête.
Avancée de l'influence américaine qui met à mal le vaudou, cette attraction traduit aussi un besoin de reconnaissance de la frange la plus laissée-pour-compte de la société à laquelle le politique n'offre aucune perspective, gangrené qu'il est par la corruption. Laënnec Hurbon rappelle à ce titre que depuis deux siècles, Haïti ne parvient pas à instaurer un système politique démocratique qui garantisse égalité entre citoyens et souveraineté nationale.
Mais pour construire l'autonomie individuelle comme la souveraineté collective, il faut pouvoir se libérer des séquelles de l'assujettissement et du ressentiment afin de penser un monde à soi, se libérer aussi d'une oligarchie qui mêle pouvoirs politique et économique.