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Le 25 décembre 1996, JonBenet Ramsey, six ans et demi, était découverte assassinée dans la cave de ses parents à Boulder, une petite ville du Colorado. L'enfant avait été battue et étranglée. L'affaire souleva une émotion d'autant plus grande à travers l'Amérique que la petite victime, une " mini-Miss " vedette de multiples concours de beauté, était très célèbre. Les médias s'abattirent sur la ville et la famille faisant vivre à tous un véritable enfer d'insinuations, de suspicions et de mensonges destructeurs.
Pourtant, et malgré les enquêtes successives, le crime est, jusqu'à ce jour, demeuré un mystère. Pas pour Joyce Carol Oates qui, s'emparant de ce fait-divers à la manière - géniale - dont elle s'est approprié la vie de Marylin Monroe (dans Blonde) en fait une histoire effarante que reconstruit dix ans après le frère de la victime. Les protagonistes, les lieux, les circonstances sont à peine modifiés.
La petite fille s'appelle maintenant Bliss, c'est une championne de patinage sur glace, l'enfant adoré de ses parents, la coqueluche d'un pays, la sour aimée et jalousée par un frère, son aîné de trois ans, Skyler. Skyler qui depuis le meurtre a vécu dans un univers de drogues, de psys et d'établissements médicalisés. Agé aujourd'hui de dix-neuf ans, et toujours pas remis des secousses de son adolescence, il fait de son récit une sorte de thérapie.
Ses souvenirs sont à la fois vivaces, disloqués et déformés. Une technique que Oates maîtrise parfaitement et qu'elle utilise ici avec d'étonnants effets. Peu à peu émerge le nom du coupable : le père - homme d'affaires ambitieux -, la mère - arriviste forcenée -, un étranger cinglé ou bien... le narrateur lui-même ? Tous les ingrédients préférés de Oates sont là : la vanité féminine, la stupidité masculine, la famille dysfonctionnelle, l'angoisse du parvenu, le christianisme de charlatan, les dérives de la psychanalyse, le vampirisme des médias, l'incompétence de la police.
Pour produire en fin de compte un chef-d'ouvre hallucinant, un dépeçage au scalpel de l'âme humaine et de l'horreur ordinaire... Après la mort de leur mère, il organise avec l'aide d'un vieux jésuite le départ de la fratrie pour une nouvelle vie - les filles au couvent, un frère au séminaire, l'autre en Californie et Joe à l'assaut du continent ! Sa rencontre avec l'indépendante Iseult Wilkins donne subitement un sens à sa quête de réussite : de Venice Beach à Montréal en passant par la Colombie-Britannique, Joe ne cessera dès lors d'oeuvrer à l'établissement de son clan.
Parcourant deux guerres mondiales, les années folles, la crise de 1929, le second après-guerre, Les O'Brien est tout à la fois la biographie d'un homme exceptionnel, d'un mariage, d'une famille, et l'histoire extrêmement bien documentée d'un siècle, de l'évolution des mentalités à travers les générations qui s'entrechoquent... Avec un talent de conteur exceptionnel, Peter Behrens déploie une épopée moderne dans la tradition du grand roman américain.
Sur les excès des parents entraîneurs
L'histoire s'inspire de faits réels. L'auteur nous raconte l'histoire d'une famille américaine bourgeoise et de l'ascension fulgurante de la petite fille de la famille, Bliss, devenue une star du patinage dès l'âge de 4 ans et tuée à l'âge de 6 ans dans des circonstances étranges et non élucidées. L'histoire est racontée sous la forme d'un journal tenu par Skyler, frère de Bliss, plus âgé de 3 ans. Elle nous livre la vision de l'aîné sur l'histoire et ce qui conduira à la chute et à la scission de l'édifice familial.
Au delà du fait divers, l'auteur nous livre une critique acide des parents poussant leurs enfants dans la compétition et la quête incessante de la perfection, laissant peu de place à la douceur et l'innocence du monde de l'enfance. C'est un regard aiguisé porté sur les pères / mères de famille poussant leurs enfants à réaliser leurs rêves à leur place, méprisant leurs failles, leurs douleurs et leurs propres aspirations.
C'est extrêmement bien écrit, avec un style vif, alerte, un vocabulaire choisi avec précision. Ce roman de presque 700 pages ne connaît aucune longueur. Un bel exercice d'écriture, une histoire magistralement racontée. Je recommande !