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C'est par le détroit d'Ormuz que transite de 20 à 30 % du pétrole et du gaz irriguant l'économie mondiale ; ce qui en fait, naturellement, un enjeu stratégique de premier ordre, particulièrement, depuis quelques années, dans le climat de tension croissante engendré par le programme nucléaire de l'Iran. À intervalles réguliers, des escadres de navires américains s'y font voir, surveillées de près par des navires iraniens d'une puissance infiniment moindre que les précédents, mais rompus aux tactiques les plus retorses de la guerre navale dite « asymétrique ».
De telle sorte que le moindre incident pourrait entraîner une escalade incontrôlable, et que tous les pays de la région sont engagés dans une course aux armements très propice aux marchands de ces derniers. Il n'est pas indifférent, d'autre part, de noter que les paysages du détroit d'Ormuz, tant sur la rive iranienne que sur la rive omanaise, sont d'une grande beauté, ou d'une grande étrangeté, au moins dans la mesure où la chaleur accablante qui y règne pendant six ou huit mois de l'année ménage des conditions acceptables pour les observer.
C'est dans ce cadre, et dans ce contexte, que Wax, un personnage aux contours indécis, plus tout jeune, et sans doute un peu mythomane, a formé le projet de traverser à la nage le détroit d'Ormuz, bien que, même dans sa partie la plus resserrée, jamais moins d'une quarantaine de kilomètres n'en sépare les deux rives. Afin de préparer cette performance par des repérages, des prises de contacts, des analyses plus ou moins fantaisistes de la situation politico-militaire...
-, et d'en tenir la chronique, Wax s'est assuré le concours de celui qui dit « je » dans ce récit. Récit dont la trame est formée tant par les tergiversations de Wax que par les pérégrinations de ce narrateur, maritimes ou terrestres, d'abord sur les eaux du Golfe puis sur les deux rives, l'arabe et la perse, de celui-ci. Et si faibles que paraissent ses chances de succès, Wax, pour finir, se lancera tout de même dans cette audacieuse tentative de franchir le détroit d'Ormuz à la nage.
Un golfe pas très clair
Après les brumes islandaises, me voici avec les nuages de sable du détroit d’Ormuz.
Petite question. Savez-vous où si situe ce détroit ? Vaguement ? Comme moi ! Pour la bonne compréhension de ce nouveau Rolin, j’ai sorti la carte de géographie.
Je suis allée en Palestine avec Chrétiens . Je l’ai laissé cheminant sur les canaux de France avec Chemins d'eau ; dans ma pile, il est à Los Angeles, mais bon, je sentais une urgence à lire Ormuz.
J’ai pris une leçon de géopolitique. Je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse y avoir autant de bateaux dans le Golf Persique ; un tiers du pétrole mondial passe par le détroit d’Ormuz. Le trafic est amplifié par la contrebande de produits divers et variés à destination de l’Iran. Quant aux riverains ce sont l’Irak, Iran, les Emirats et autres Sultanats.
Ici, le narrateur, sert de « nègre » à Wax, un aventurier, ornithologue (il sait distinguer des goélands de Hemprich des goélands à iris blanc), passionné de batailles navales « asymétriques », qui veut traverser le détroit. Il doit décrire précisément toutes les faces de sa prouesse, enfin, s’il y arrive, car dès les premières lignes du livre, Wax a disparu !
Le narrateur continuera son travail de précision en répertoriant tout ce qui se trouve le plus proche du détroit d’Ormuz, c’est noté dans le contrat que Wax lui a établi. Il doit donc noter « toutes les créatures et tous les objets, depuis les plus vastes, telles des installations portuaires ou une ligne de métro, jusqu'aux plus restreints, tels une cabine téléphonique ou ce crocodile australien, susceptibles d'être décrits, chacun dans sa catégorie, comme "le plus proche du détroit d'Ormuz". » Voici le cœur de ce roman et de l’écriture de Jean Rolin. Les descriptions précises sont toujours émaillées là d’une réplique cinglante, là d’un trait d’humour, là d’une précision historique... Les phrases, longues montrent son souci du détail. On sent un Jean Rolin à l’aise au bord du Golf Persique à nous parler de géopolitique, de commerce, de guerre, de contrebande, sans oublier les descriptions des animaux.
Ormuz n’est pas un livre qui se dévoile immédiatement avec ses parenthèses, ses tirets, de retours en arrière. Pourtant, c’est cela qui en fait le sel. Le regard humain, ironique, minutieux de Jean Rolin, son amour des paysages, sa minutie ; j’ai aimé me perdre dans les pages de ce livre. J’aime l’écriture de Jean Rolin.