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Dans Le Fils de Sam Green, Sibylle Grimbert nous invite dans l'intimité d'une famille. Un fils vient de perdre foi en son père. Et alors que sa croyance s'écroule, il doit affronter une question létale : a-t-il été une victime, parmi d'autres, d'un égoïste, ou a-t-il été, par égoïsme, le complice d'un bourreau ?
Voici un thème classique, puissant, où l'auteur déploie son talent pour la capture d'instants fugaces, l'entrelacement signifiant des non-dits, et la maîtrise du drame familial.
Mais ce Sam Green n'est autre que Bernard Madoff, et Sybille Grimbert, une puissante vigie.
L'affaire Madoff est inexplicable dans une perspective rationnelle : elle reposait sur une arnaque si grossière qu'en toute logique ses victimes - dont le point commun était d'être bien informées des us et pratiques de ce milieu de la finance - ne pouvaient pas tomber dedans. Mais voilà, les pigeons avaient foi en leur bourreau et en un monde de privilèges et de toute-puissance dont ils n'auraient jamais osé formuler qu'ils le rêvaient magique, avant qu'il ne se transforme en malédiction planétaire.
Le Fils de Sam Green est bâti sur un axiome shakespearien bien connu : "Le monde entier est un théâtre.
Et tous, hommes et femmes, n'y sont que des acteurs."
Il possède d'ailleurs des accents "leariens" indéniables. C'est un roman aussi tranchant que vital parce qu'en nous rendant familier un drame que l'on préfère imaginer opaque et étranger, l'auteur nous pousse la scène de la plus grande tragédie de notre temps.
Par la force amère et la triste élégance de sa démonstration, la complainte du Fils de Sam Green nous interdit de nous prétendre pantins et nous laisse acteurs, c'est-à-dire libres de croire ou pas, d'agir ou pas, d'être ou de passer.
Mon père, ce salaud
Somptueux appartements sur Park Avenue, villas au bord de la mer, yachts pour les parties de pêche, grosses berlines allemandes, vêtements et chaussures sur mesure … Il avait tout cela et bien plus encore. Il était le prince de New-York puisqu'il était le fils du roi de la finance, Le fils de Sam Green. Son nom lui ouvrait toutes les portes, lui offrait tous les privilèges, attisait envies et convoitises. Mais cela, c'était avant … Avant que la bombe explose et éclabousse d'opprobre ce nom qui jusque-là était synonyme de réussite. le discret Sam Green était un escroc à la tête d'une fragile pyramide qui s'est effondrée comme un château de cartes, provoquant ruines, suicides et procès en série. Depuis Sam Green est en prison et son fils, désigné comme son complice, brisé, haï par tous, s'interroge sur sa vie, ses choix, ses doutes, ses lâchetés, ses faiblesses.
Largement inspiré de l'affaire Madoff, Le fils de Sam Green nous entraîne dans la descente aux enfers d'un homme qui avait tout et qui a tout perdu. Riche par la naissance, adulé par tous, il se retrouve seul et honni du jour au lendemain. Victime d'un père qui l'a compromis ou témoin consentant d'une vaste escroquerie ? le fils avait des doutes mais il aurait fallu du courage pour chercher plus loin que les vagues doutes qui l'effleuraient parfois. Alors il a fermé les yeux, fait taire sa conscience pour profiter du système et de ses avantages. A l'heure du bilan, Le fils de Sam Green se remet en question et ce qu'il découvre de lui-même n'est pas glorieux. Il aurait pu choisir sa propre voie, il aurait pu dénoncer, il n'a pas voulu renoncer à l'argent facile…
Fine analyse d'un milieu privilégié frivole en apparence mais profondément cruel, Le fils de Sam Green est un roman passionnant, décrivant sans concessions la jungle capitaliste. Mais c'est aussi et surtout un roman sur la filiation, sur cette relation ambiguë parfois qui unit un père et son fils, faite de rivalité, de désir de faire ses preuves, de recherche de l'approbation et qui souvent aboutit à « tuer le père ». Une belle réussite, bien documentée et très aboutie.