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Plurielle et transversale, et plus complexe qu'on ne l'imagine parfois, l'ouvre de Joseph de Maistre est, aujourd'hui encore, précieuse, parlante à plus d'un titre, et plus que jamais actuelle. Pour qui la lit sans idée préconçue ni arrière-pensée, il n'est point d'intuition chez elle qui, étrangement, ne résonne avec l'air du temps. La décomposition du commun, les limites et impasses de la raison dite « critique », le triomphe de la pensée toute prête et la langue de bois pour vision du monde, les attaques contre le principe d'autorité, au nom souvent d'une liberté qui ne sait plus au juste de quoi elle est le nom, la violence aussi aveugle qu'omniprésente, enfin un futur hostile, étrange, inconnu, qui s'annonce inexorable : ces considérations, et d'autres encore, sur l'ouvre sans sujet, le monde qui s'égare ou l'homme qui aurait trop voulu, figurent bien, et en bonne place, dans les écrits souvent mal connus du grand écrivain rétrograde.
Preuve s'il en est, que n'est pas réactionnaire ou passéiste qui veut, et qu'il faut du talent sinon du génie à penser à la fois avec et contre, tout contre l'époque et ses illusions. Après Balzac et Baudelaire, d'autres lecteurs aussi divers et peu suspects de parti pris que Henri-Claude de Saint-Simon, Félicité de Lamennais, Pierre Leroux, Herbert Marcuse (le théoricien critique de l'Homme unidimensionnel !), René Guénon, Denis de Rougemont, René Girard, Cioran, Camus ou Barthes, ne s'y sont pas trompés en voyant dans l'auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg, qui un penseur inspiré de la matière sociale, qui un explorateur alerte et averti de la raison politique, qui un maître solitaire en lucidité et en écriture.