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Babybatch ! Ainsi Dominique a-t-elle surnommé Benedict Cumberbatch, le héros éponyme de la série Sherlock.
Quant à elle, et bien qu'elle appartienne à l'immense communauté virtuelle des fans de l'acteur anglais, elle refuse de se laisser contaminer par le délire de ses congénères. A quinze ans, Dominique est une jeune fille quasi désuète dans sa discrétion et dans son expression méticuleuse quand il s'agit d'évoquer les sentiments.
Mais elle est aussi un étrange produit de son époque, non pas tant dans la traque de son idole sur le net, que dans son ironie de petite amoureuse revenue de tout. Chez elle, l'amour ne peut être vécu qu'après avoir été rêvé, pensé. À moins que dans sa version ultime, il soit peu soucieux de se matérialiser.
Forte de cette passion unilatérale, Dominique comprend mieux son inclination pour les êtres mélancoliques : le professeur d'anglais à la voix si basse que ses cours sont inaudibles ; Paul Rissac, cet élève brillant qui traite le malheur avec une désinvolture intrigante ; son père, qui semble douter d'être un jour l'artisan du plus petit bonheur sur la terre.
Les observant, les comparant à son cher Benedict, Dominique tisse un monde dont le lecteur voudrait ne jamais sortir.
Isabelle Coudrier, scénariste pour le cinéma, a publié deux romans aux éditions Fayard, Va et dis-le aux chiens (2011) et J'étais Quentin Erschen (2013), tous deux salués par la critique.
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE-CHRONIQUE
Isabelle Coudrier nous propose un roman plein de fraicheur autour du thème de l’adolescence, sujet risqué parce qu’il conjugue les tendances contradictoires d’une période de la vie où l’être se construit entre aspirations parfois délirantes et une réalité plus prosaïque. C’est la période romantique de l’existence où tout semble possible. Dominique, l’héroïne d’Isabelle Coudrier n’a que quinze ans et c’est sans doute là que se situe la réussite du roman car très rapidement le lecteur est embarquée dans le monde de la jeune fille, un monde qui doit beaucoup au caractère plutôt mesuré de cette rouquine dégingandé folle de Benedict Cumberbatch, la star de la série Sherlocke Holmes, qu’elle surnomme “Babybatch”.
Isabelle Coudrier aurait pu se contenter de décrire la vie d’une petite fan ordinaire mais le monde de Dominique vaut beaucoup plus que cela. Certes l’adolescente passe une partie de sa vie à traquer son idole sur internet, en cela elle ressemble à beaucoup aux filles de sa génération mais la romancière nous plonge aussi au coeur des constructions mentales de Dominique dans son rapport au monde. L’écriture d’Isabelle Coudrier se prête avec beaucoup d’élégance à décrire les différents mondes parallèles dans lesquels la jeune fille circule, ceux qui ne sont que virtuels et d’autres beaucoup plus concrets, en particulier quelques êtres qui ont de l’importance dans sa vie, son professeur d’anglais au charme timide et Paul Rissac un camarade qui combat la maladie avec une étrange désinvolture.
Tout l’art de l’écrivain consiste à nous installer dans cette vie et de nous la rendre si prôche qu’on ne pourra la quitter qu’avec regret. Isabelle Coudrier s’affirme, roman après roman, comme une portraitiste de talent capable de pénétrer la psychologie complexe de personnages qu’elle sait nous rendre attachants. Ce “Babybatch” nous parle aussi du monde dans lequel nous vivons, un monde qui est aussi celui que nous offrons à nos enfants et dans lequel ils doivent donner un sens à leur vie. Ce roman constituait un pari risqué mais disons le tout net, c’est un pari réussi !
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)