Alter N° 14/2006

A l'heure où la psychanalyse, contestée par un nouveau scientisme, se fait l'un des remparts du sens intentionnel ou du devenir conscient de notre expérience, il nous a semblé instructif de revenir sur ses rapports avec la phénoménologie. Ce n'est qu'en apparence en effet et pour un regard éloigné que s'opposent les deux disciplines. On sait que la phénoménologie husserlienne, conçue initialement comme une analyse des actes de conscience et comme une réaffirmation des pouvoirs de l'ego transcendantal, n'a cessé en réalité d'approfondir cette activité constitutive en la référant à sa genèse dans une vie pulsionnelle et inconsciente.
Ce paradoxe d'une réflexion contestée de l'intérieur, révélant à mesure l'irréfléchi qui la déborde, rejoint alors en droite ligne le geste freudien, et son excavation archéologique de nos origines. La phénoménologie, lorsqu'elle propose une description intentionnelle du sens de la pulsion, de l'inconscient ou du transfert, s'offre, sinon comme une ressource de clarification théorique, du moins comme l'occasion d'une vue nouvelle sur les concepts opératoires de la psychanalyse.
Les textes réunis ici reviennent sur cette étrange conjonction à distance, qui donna lieu, au long de l'histoire de la phénoménologie, à de fructueuses interrogations (Husserl, Merleau-Ponty, Maldiney), à des partages tranchés (Heidegger, Sartre), ou encore à l'essor d'une véritable psychiatrie d'inspiration phénoménologique (la Daseinsanalyse et son point de départ chez Binswanger).