Envahie par la lassitude, le visage bouffi d'une personne qui n'a pas arrêté de boire pendant plusieurs jours, Anne s'était laissée choir dans le fauteuil. Puis, elle m'avait regardé droit dans les yeux avec un pâle sourire énigmatique ou gêné. Un long silence s'était installé pour me laisser le temps de faire le constat des dégâts. Enfin, elle avait fini par murmurer en détachant choque mot : " Je sors de la cabine d'ivrogne "... C'est à partir d'un fait anecdotique de ma consultation illustrant d'une façon surprenante et dramatique ce que peut être la phase ultime de la maladie alcoolique, que l'envie est venue de rassembler un certain nombre de réflexions qui se pressaient dans ma tête depuis de nombreuses années, puis que j'étais obsédé par la question : quel avait pu être le chemin suivi par cet homme ou cette femme pour en être arrivé à tomber dans ce piège ?