Ce roman, c'est tout un monde que l'on découvre à tâtons. Celui d'un tout technologie qui se profile, et qui attend son heure derrière nos écrans, celui d'une toute vitesse qui, déjà, nous échappe, nous dépasse : celui, inéluctable, dans lequel nous tombons, et continuerons de tomber, dans les années qui viennent.
Delphine de Vigan, qui n'a plus rien à prouver en tant que décortiqueuse de l'âme humaine, de pointeuse de failles, nous livre dans ce roman coup de poing, l'un de ses livres les plus engagés- et engageant -, certainement aussi le plus fort depuis Rien ne s'oppose à
la nuit. Dans ce dernier, elle racontait une enfance tordue, la sienne, sous le regard, plutôt absent, d'une mère malade, maniaco-dépressive. Ici, elle aborde aussi l'enfance, et ses fêlures, la fin des innocences. A travers l'histoire de Sammy et Kimmy, frère et soeur de huit et six ans, mis en scène par une maman, cette fois-ci peut-être un peu trop présente, sur les réseaux sociaux, stars de Youtube et Instagram, l'auteure nous introduit dans un monde à côté du monde, qui m'était complètement inconnu. Un microcosme avec ses propres codes, sa propre langue. Celui des enfants stars, des youtubeurs de moins de quinze ans.
Mélanie Claux découvre la téléréalité avec l'émission Loft Story en 2001. Elle a tout compris: plus tard, elle veut être célèbre. Les années passent et toujours rien, seulement ce sentiment d'avoir manqué quelque chose, son destin, sa vie de femme. C'est dans son rôle de mère qu'elle trouvera le salut, et réussira à s'épanouir sans renoncer tout à fait à ses rêves de paillettes. En coulisse, puis face caméra, elle propulse ses enfants, à base de selfies et autres vidéos mignonnes, mais pas si innocentes que ça, à la cime des réseaux : elle en fait des stars. Oui mais, le jour où Kimmy, six ans, est enlevée, tout s'effondre...
C'est un roman important, dans lequel, souvent, je me suis senti mal à l'aise. Mais c'est certainement le propre des grands livres, de nous secouer, de nous mettre en colère. C'est un roman qui fera date, et qui je l'espère fera bouger les choses, sur la condition de ces enfants Truman Show que l'on voit grandir année après année dans des vidéos, harassantes et chronophages, tournés parfois même sans leur consentement...
Un grand grand livre !
Quand le virtuel prend le pas sur la réalité
Dès le début, un plaisir immense nous submerge : celui de retrouver la
plume de Delphine de Vigan. Sa façon de narrer l’histoire nous embarque irrémédiablement dedans et nous propulse 20 ans en arrière à l'ère de la révolution du show télévisé.
En effet, Delphine de Vigan frappe fort avec ce nouveau roman en s’attaquant à un sujet d’actualité : les réseaux sociaux, notamment à travers leur utilisation, leur exposition et leur consommation au quotidien par des individus toujours plus jeunes, toujours plus enclin à être au top, in, en haut de l’affiche. Finalement, l’autrice n’hésite pas à montrer du doigt cette soif d’être toujours mis en avant à travers des moyens qui évoluent de plus en plus vite.
Mais derrière tout ça, que nous cache vraiment cette télé-réalité ? Se montrer au quotidien, montrer sa vie par moments est-il quelque chose de réel ? Est-ce finalement la réalité ? Et jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour réussir ?
Les illusions, l’envie, en faire toujours plus pour gagner plus, la notoriété, le succès. Être tout le temps connecté, être à l’affût de la dernière nouvelle, de la dernière nouveauté. On est dans cette quête permanente de laisser une empreinte derrière nous.
Mais ce que nous ne voyons pas derrière tout ça, c’est le traumatisme laissé par cela et qui nous affectera dans l’avenir.
Delphine de Vigan signe alors un roman fort, cruellement réaliste, frappant de vérité où les dérives, les vices sont à l’affût de la moindre occasion pour sévir.
Mélanie a voulu tenter sa chance, malheureusement le résultat escompté n'est pas celui qu'elle atteindra. Ce qui lui arriva n'était pas prévu. Mais prévu par qui ? Par elle ou par sa famille ? A force d'en faire toujours plus et en vouloir toujours plus, parfois le chemin emprunté nous rappelle indéniablement que dans la vie rien n'est acquis.