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« Pour certaines personnes, étrangement, le crime est la faute de la victime. Depuis ses débuts dans la police, Claire avait souvent rencontré cette perversion de la pensée. Elle était courante quand la victime était une femme, et quasiment toujours présente quand la violence subie était d’ordre sexuel. La victime avait modifié un détail dans l’organisation de sa journée, n’avait pas réglé une facture, aimait les hommes ou était une mauvaise mère. Elle s’était habillée en rouge ce jour-là, n’avait pas dit bonjour à son voisin, s’était arrêtée au mauvais endroit
ou avait souri à la mauvaise personne. Dans les enquêtes de ce type, les témoins cherchaient curieusement une explication à l’agression, non pas dans le comportement de l’agresseur mais dans celui de l’agressée. »
Emma Dayou n’y va pas par quatre chemins : dès la première page, une femme, dans la quarantaine, est retrouvée nue, violée et assassinée, crucifiée sur un abribus. Claire, toute jeune lieutenant de la police judiciaire, fait partie de l’équipe chargée de l’enquête.
En parallèle de l’enquête sur ce meurtre sauvage bientôt suivi d’un second répondant au même modus operandi, on découvre Rose, adolescente qui a failli être victime d’une tournante orchestrée par ses « camarades » de classe et, y ayant échappé, harcelée dans l’enceinte du lycée par ces mêmes adolescents en mal de figure parentale ou de modèle d’éducation.
Que ce soit pour l’enquête policière ou pour l’histoire de Rose qui se débat avec ses démons intérieurs, le propos d’Emma Dayou est principalement de dénoncer la récurrence de la culpabilisation des victimes d’agressions à caractère sexuel.
Léa, la première victime, est décrite par son collègue de travail, accessoirement le père de Rose, comme une personne attirant les ennuis parce qu’inscrite sur un site de rencontre. Rose est accusée par ses agresseurs de les avoir aguichés, de les avoir provoqués. Elles se retrouvent dans la position consistant à les rendre responsables de leur propre malheur.
Si Léa n’a eu aucune chance d’échapper à son funeste sort, Rose pour sa part va essayer de retourner le rôle qu’on (ses agresseurs mais aussi la société civile, à travers d’une part son silence face à ce qui lui est arrivé et d’autre part son incapacité à gérer les problèmes de comportement de ses agresseurs, et dans une moindre mesure son père qui sans aller jusqu’à la culpabiliser ne souhaite qu’enterrer l’affaire) tente de lui attribuer et, pour son propre salut, de dénoncer ce qui s’est passé.
Ce qui frappe avant tout, c’est l’empathie que met Emma Dayou dans ses personnages féminins (Rose qui tente de s’en sortir avec l’aide d’Estelle, la conseillère d’éducation, bienveillante, Sophie Jussieu, la meilleure amie de la première victime…) et la haine qu’elle distille dans les personnages masculins (Patrick, le dragueur, fainéant qui s’est sort financièrement en séduisant ses « proies », en les consommant et en les rejetant aussi vite que possible, Paul, le père de Rose, qui ne perdra ses œillères qu’à la fin du récit, Benoît, la petite frappe du lycée et celui qui a attiré Rose dans le piège qui devait lui être fatal). Il y a bien quelques exceptions masculines comme l’un des collègues de Claire qui ne supporte les violences faites aux femmes, Alex, un copain de classe de Rose qui s’en amourache et veut la venger…
Les relations homme/femme sont compliquées chez Emma qui les stigmatise en créant des relations prédateur/proies ou coupable/victime, y compris dans les relations parents/enfants…
Certes, Emma habille les meurtres de Léa et de la seconde victime de façon atroce et macabre, mais en dehors de ces scories sanglantes, violentes et dégradantes, la plume d’Emma est emprunte d’un mélange de hargne et de tendresse qui fonctionne assez bien et rétablit les faits dans ce qu’ils ont de plus abruptes : une victime n’est jamais coupable de l’agression qu’elle a subie. Et puis, si face à la violence, les réponses évoquées par Emma sont « fuir, subir ou combattre », comme le fait Japp (voir chronique de Barbarie 2.0), au moins elle ne pousse-t-elle pas le vice jusqu’à dépasser la simple notion de défense pour sombrer dans le renversement réel des rôles et, à travers l’acharnement physique de la première sur le second, transformer la victime en coupable et le coupable en victime. Estelle se réjouit ainsi d’avoir pu se défendre sans tuer son agresseur malgré la violence de sa réaction, salutaire au demeurant puisqu’elle lui aura sauvé la vie.
Même si le traitement de cette relation victime/coupable aurait pu être plus poussé et les histoires de Léa et Rose faire l’objet de deux livres distincts, je recommande…
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« Cadavre 19 » propose 2 narrations, 2 endroits, 2 personnages centraux… forcément amenés à se rencontrer à un moment ou un autre (vers la page 148 pour être très précis)
Patrick Fort est atteint du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme plus ou moins provoqué ou aggravé dans son cas par la mort accidentelle sous ses yeux de son père, renversé par une voiture. Il part néanmoins faire des études de médecine à Cardiff. Dans son cours d’anatomie/dissection, il s’occupe avec quelques étudiants d’un cadavre (le fameux numéro 19) dont ils vont devoir déterminer
la cause de la mort. La version officielle, dont ils n’ont pas connaissance, a conclu à une crise cardiaque. Patrick n’est pas du tout d’accord avec ces conclusions.
Samuel Galen est victime d’un accident de la route qui le laisse dans le coma. Belinda Bauer nous livre les pensées totalement claires et cohérentes de ce « cadavre » en devenir, pendant toute son hospitalisation dans un service de réanimation où, sortant peu à peu de sa léthargie, il est témoin de l’assassinat de son voisin de chambrée.
A priori, et en l’absence de toutes connaissances médicales personnelles concernant le syndrome d’Asperger, le personnage de Patrick était a priori plutôt bien traité et les caractéristiques de son état psychologique correctement intégrés à l’histoire. Il a effectivement des difficultés à s’exprimer, à intégrer ce que disent les autres protagonistes mais développe une capacité particulièrement pertinente à la dissection et à l’analyse de ce que livre le corps du cadavre n° 19.
Samuel est de son côté le témoin muet des turpitudes d’un service s’occupant de personnes dans le coma : le dépit de certaines aides-soignantes, leurs manigances pour draguer un mari riche malgré sa présence au chevet de sa femme… et même un meurtre dont il va tenter de faire état auprès du corps médical.
Je pourrai difficilement vous dire ce qui relie Samuel à Patrick sans déflorer une partie de l’intrigue mais Belinda Bauer imbrique tout cela très bien et livre un roman plus polar que thriller, grand bien lui fasse, plus noir et psychologique que vraiment polar…
Il vaut avant tout pour le personnage de Patrick qui évolue un peu comme un chien dans un jeu de quilles ou un éléphant dans un magasin de porcelaine, au choix. Il avance selon sa raison, qu’on trouvera défaillante peut-être mais qui répond à une logique qui lui est propre, quitte à mettre les pieds dans le plat et à provoquer des situations tour à tout cocasses, dangereuses, émouvantes…
Une belle et réjouissante découverte qui, sans avoir l’air de rien, sans être LE polar de cette fin d’année, n’exagérons rien, entraîne le lecteur à la découverte d’un protagoniste attachant et d’une histoire hors des sentiers battus (mais pas trop loin quand même).
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De l'histoire et de l'Histoire
Jean d’Aillon livre la suite des aventures de son héros Guilhem d’Ussel. Elles sont un peu plus réussies que les précédentes, dont je n’ai lu que « Rome 1202 », qui s’établissent comme suit :
• De taille et d’estoc
• Marseille 1198
• Paris 1199
• Londres 1200
• Montségur 1201
• Rome 1202
Il faut déjà un bon quart ou un petit tiers, au choix, à Jean d’Aillon pour dresser le tableau général de son histoire, mettre en place les principaux protagonistes (hors la troupe de Guilhem d’Ussel) à savoir le clerc qui vire sa cuti et, grâce à de fortes prédispositions à l’emportement, devient brigand, l’ancien templier qui se trouve en possession d’une sainte relique sur laquelle lorgne notre clerc et Ali-i Sabbah, rafiq originaire d’Alamut, patrie des hassasseini ou hashischins selon les versions, en mission en France pour retrouver et punir le scientifique qui a volé de précieux documents dans la bibliothèque de la forteresse dont il vient.
Tout ce petit monde va croiser la route de Guilhem d’Ussel et se retrouver du côté de Rouen, au moment où le roi Philippe Auguste poursuit sa guerre contre Jean sans Terre en « bocages » normands.
Jean d’Aillon n’est pas avare de recherches historiques et le montre dans son livre avec moults précisions quant aux pédigrées des personnages réellement historiques, pléthores de références géographiques/historiques/politiques. Tout est archi-documenté. Un peu trop parfois et on a vite fait de se perdre tant les histoires d’alliances, de trahisons, de mésalliances, de haines, de jalousies ou de jeux de pouvoir sont complexes et tant les personnages de hauts rang sont tous plus ou moins liés familialement entre eux, plus ou moins cousins/oncles/tantes/nièces/frères/neveux les uns des autres.
C’est finalement par ce prisme là qu’il convient de lire ces livres, dans ce qu’ils ont de compte rendu d’une époque lointaine et mouvementée, dans ce qu’ils ont de témoignage de la vie de toutes les couches de la société, du plus humble au plus royal.
L’intrigue devient secondaire et n’est plus qu’un prétexte. Il devient alors délicat de la juger pour autre chose que cela : un artifice narratif pour habiller le véritable matériau du livre. Ma méconnaissance totale de cette époque ne me permet d’ailleurs pas de juger de la pertinence du trait de Jean d’Aillon. Toujours est-il que le roman est par trop ancré dans la réalité historique pour distiller à la trame narrative un souffle totalement échevelé et épique digne de Dumas, sans qu’il soit pour autant totalement absent.
Si on arrive à mettre de côté l’aspect didactique du livre, propre à ces récits historiques (et plus l’histoire est ancienne plus la didactique semble nécessaire), le caractère de Guilhem d’Ussel, aventurier au passé trouble, n’est pas sans attirer le lecteur dans ses filets et l’on se prend quand même à chevaucher avec lui, à tirer l’épée avec lui, à s’émouvoir avec lui, à se jeter dans la gueule du loup avec lui. Surtout dans les 80-90 dernières pages qui voient le dénouement approcher et l’histoire nettement s’accélérer pour un final plutôt « sportif ».
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