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Cheminer est un mot aussi vieux que le langage. Quand les hommes n'avaient guère d'autres moyens de locomotion, c'était affaire commune de la réalité quotidienne. Aujourd'hui, en Occident, depuis que cheminer est un acte gratuit, ce mot fait lever le rêve, celui toujours vivace en l'homme, d'espace, d'horizons nouveaux, d'aventures, d'éloignement des soucis et des contraintes, en somme le rêve de la liberté.
Ainsi, pour une bonne part, s'explique l'engouement croissant pour la longue marche sur les anciens chemins de pèlerinage. On s'élance avec l'indispensable sur le dos pour se libérer de la futilité de notre société de consommation, pour se rencontrer, se découvrir, se réconcilier avec soi, avec les autres, avec le monde. Mon dessein n'était pas celui-là, quand durant les mois d'été, j'ai emprunté les chemins du Lot où je réside pendant la saison estivale et pourtant, mes nombreuses marches en solitaire dans le silence d'une nature préservée ne m'ont pas fait rencontrer que la beauté naturelle et culturelle de ce pays partout présentes, diversité de paysages enchanteurs, singulière richesse d'un patrimoine architectural exceptionnel, unique.
Ces marches, je les ai vécues avec un intense enchantement de l'âme et j'ai connu comme une grâce inestimable ce que j'appelle des instants sans mémoire, ces instants où la plénitude de l'être est telle que l'avenir et le passé ne lui importent plus. Il m'a semblé aussi vivre sur les sentiers tracés par des milliers de pas, humble écriture du grand poème de la terre, l'injonction de Hùlderlin : "Il faut habiter poétiquement le monde".
Le temps était venu d'écrire ces instants "pour en conserver, en partager le miracle".
