Biographie de Thérèse Willer
Tomi Ungerer fut un collectionneur compulsif de jouets mécaniques. Rien d'étonnant à cela : il est le descendant d'une illustre famille de constructeurs d'horloges astronomiques. Déjà dans sa tendre enfance, le petit garçon s'émerveillait des mystérieux et fascinants automates entrevus dans l'atelier de l'entreprise Ungerer, qui allaient un jour s'animer grâce à des rouages complexes. L'une des expressions à l'âge adulte de cette irrésistible attirance se découvre dans le répertoire iconographique du dessinateur Mais les représentations de mécanismes et de machines souvent liées à des formes humaines et animales révèlent alors, paradoxalement, une angoisse de la déshumanisation Quant à sa passion pour les jouets mécaniques, elle se déclara à New York en 1961.
Le déclenchement en fut un petit bateau à roues mécanique qu'il reçut en cadeau de Noël. Cet objet ancien eut le pouvoir de réveiller sa mémoire horlogère. Le mouvement était amorcé. Avions, bateaux, voitures, trains, personnages, animaux à remonte d'un simple tour de clé et provenant de toutes origines allaient s'accumuler sur ses étagères au gré des brocantes et des ventes aux enchères du monde entier pendant plus de quarante ans.
Ces jouets n'avaient pas forcément de valeur marchande lorsque l'artiste en fit l'acquisition car ils avaient été produits en grande série ou étaient déjà très usagés. Quelques perles rares émaillent cependant sa collection, notamment "Le cuirassé Oregon", magnifique modèle réduit d'un navire de guerre, ou de précieux automates de firmes françaises et allemandes ; et même quelques pièces uniques, objets de convoitise de tous les collectionneurs du monde, comme "Le singe dessinateur" que l'artiste bricola, ou encore des faux tel le bus jaune qu'il fabriqua entièrement de sa main à partir d'un mécanisme à friction.
Car ce que Tomi Ungerer aime avant tout faire avec les jouets, c'est s'amuser. La collection de Tomi Ungerer s'est développée au fil du temps et a fini par se compter en milliers de pièces. L'artiste s'intéressait en outre à bien d'autres domaines : l'imagerie, les jouets scientifiques et optiques, les petits soldats de plomb, les machines à vapeur, les jeux éducatifs et de société. Ces multiples facettes qui reflètent des centres l'intérêt très diversifiés en ont fait une collection unique et exceptionnelle.
Elle a suivi son propriétaire dans tous ses lieux de vie et voyagé de New York en Nouvelle-Ecosse, puis en Irlande, avant d'intégrer en grande partie les musées le Strasbourg grâce à une donation de l'artiste en 1975. Aujourd'hui, le musée Tomi Ungerer conserve 6500 jouets représentatifs de la collection. Dans cet univers foisonnant, c'est sans doute la section des objets mécaniques et des automates qui témoigne le mieux de la relation qu'entretient depuis toujours l'artiste avec le monde des mécanismes.
Deux musées strasbourgeois la présentent en permanence, de manière très différente : le premier est le musée des arts décoratifs, où elle est montrée en parfaite adéquation avec la salle d'horlogerie que Théodore Ungerer, le père de l'artiste, avait constituée en son temps au palais Rohan ; le second est le musée Tomi Ungerer, où elle converse avec les dessins pour enfants de l'artiste qui les y a malicieusement détournés et mis en scène.
